Photo FC Metz

Avant de devenir directeur général adjoint du FC Metz, Philippe Gaillot a passé quasiment l’intégralité de sa longue carrière sous le maillot grenat. Un amour que Philippe Gaillot déclare une nouvelle fois à son club de cœur en refaisant le film des années glorieuses du FC Metz [interview effectuée fin 2017].


Philippe Gaillot, que devenez-vous depuis l’arrêt de votre carrière de joueur de foot professionnel ?
Actuellement je suis directeur général adjoint du FC Metz. Je m’occupe de toute la partie sportive. Après ma carrière, j’ai terminé mes études puis travaillé sur le recrutement des jeunes et des professionnels ensuite.


Hormis une saison à Valenciennes en 1992/93 vous n’avez joué que pour un seul club. Comment expliquez-vous votre si longue fidélité au FC Metz ?
J’ai été formé à Metz, j’ai commencé à m’imposer à 21-22 ans ce qui est assez tard par rapport aux joueurs actuels. D’emblée, j’ai connu de très bonnes périodes avec le FC Metz : on a notamment gagné la Coupe de France en 1988. J’ai joué la Coupe d’Europe très vite et j’ai vécu une première période euphorique avec le club. En 1992, j’étais en fin de contrat et très sollicité. Après 7 ans au club, je voulais voir si je pouvais m’imposer ailleurs. A l’époque, Valenciennes avait un projet qui était très proche de celui du FC Metz. Mais la saison a été compliquée avec notamment l’affaire VA/OM. A l’issue de cette saison, le FC Metz m’a proposé de revenir. Moi aussi j’en avais envie. C’était naturel pour moi. Derrière, j’ai eu la chance de vivre de belles saisons avec Metz au milieu des années 90 avec un bon groupe, mature, qui commençait à prendre forme. Après notre victoire en Coupe de la Ligue en 1996, nous avons vécu deux saisons incroyables avec Metz. Je prenais beaucoup de plaisir à jouer et l’état d’esprit du club me correspondait bien. Je ressentais une force incroyable et une grande rigueur au FC Metz. Pendant ces années il y avait une base très solide complétée par des joueurs talentueux qui nous ont permis de jouer en haut de tableau de Ligue 1.


Avez-vous eu l’opportunité de partir de Metz une deuxième fois lors de votre carrière de joueur ?
Oui, Strasbourg, Nîmes, Rennes ou des clubs belges m’ont sollicité. A l’époque ces clubs n’étaient pas supérieurs à Metz et je n’avais pas de raisons de quitter le FC Metz où j’avais mes repères. Cette force de club m’a beaucoup aidé et m’a permis de prendre aussi beaucoup de plaisir pendant ma carrière.


Comment s’illustrait cette force de club ?
Il y avait une solidarité naturelle entre les joueurs, une unité de pensée entre les dirigeants et les gens proches du club, les joueurs et le public. Tout le monde était un peu dans une même logique de fonctionnement. Quand on réussit, on a l’impression que tout le monde réussit ensemble et quand c’est dur, tout le monde se serre les coudes ensemble aussi. Je trouvais aussi pendant ma carrière que Metz avait beaucoup d’ambitions et un esprit de défi qui nous permettaient d’avoir des résultats étonnants. Ça nous a permis de gagner des coupes et d’atteindre les sommets de la Ligue 1. C’était super agréable d’être dans cette atmosphère car on avait l’impression de travailler pour un projet collectif qui allait au-delà de la performance de l’équipe.


Vous qui avez été fidèle au FC Metz toute votre carrière, comment vivez-vous le fait qu’aujourd’hui les joueurs soient très souvent transférés ?
Ce n’est pas que ça me gène mais il y a un effet mécanique. Le fait d’avoir deux marchés des transferts actifs pendant l’année et des sollicitations importantes des clubs étrangers, cela ne permet pas à un joueur de rester longtemps dans son club, surtout quand ça marche bien. Je pense à Robert Pirès. Aujourd’hui, ça aurait été très compliqué qu’il reste 4 ans à Metz. Au bout d’un an ou deux, il aurait été très sollicité par plusieurs clubs auxquels il aurait eu du mal à dire non.


« Pendant dix ans, Joël Muller arrivait tous les matins avec la même envie, la même ferveur, la même capacité de transmettre. Je trouvais cela admirable »


Qu’avez-vous pensé de la carrière de Nicolas Seube qui est resté toute sa carrière à Caen ?
J’ai adoré. Pas mal de joueurs que je connais ont aussi réalisé leur carrière dans le même club. Dans ce cas, on prend énormément de plaisir. Contrairement à ce qu’on peut penser, le quotidien dans le foot n’est jamais le même. Chaque jour, à chaque entraînement, il y a quelque chose de nouveau à aller chercher. C’est un plaisir quotidien d’être dans le même club avec des repères et des valeurs qui correspondent bien à ce qu’on pense. Nicolas a dû vivre la même chose à Caen. Comme moi avec le FC Metz.


Après avoir été joueur presque toute votre carrière au FC Metz, vous êtes maintenant dirigeant du club. Votre amour pour le FC Metz est immense…
Metz est un club qui correspond à ce que j’aime. Je ressens un sentiment d’appartenance très fort au FC Metz. L’idée d’un projet collectif qui va au delà de l’équipe m’anime toujours. J’ai beaucoup de chance de pouvoir continuer à participer au projet du FC Metz.

Lors d’une précédente interview sur Foot d’Avant, Christophe Horlaville a déclaré : « Des joueurs comme Kastendeuch, Pierre et Gaillot à Metz c’était à l’ancienne. Quand tu arrivais dans le vestiaire tu sentais que c’était leur club. Cette identité-là, ça fait la force des clubs ». Comment cela s’illustrait-il au quotidien ?
Au quotidien, cela s’illustrait par une grande stabilité. Avec des règles de vie, cela permettait d’avoir des références pour les nouveaux et les jeunes joueurs. A l’époque, quand il y avait quatre ou cinq joueurs avec les mêmes références, c’était beaucoup plus facile pour se caler dans cette logique collective. Quand il y avait des conflits ou des problèmes, c’était beaucoup plus simple avec des joueurs qui avaient vécu dans le même club. On était même capables d’anticiper les problèmes. Quand un joueur n’était pas tout à fait dans la logique du club, nous lui disions tout de suite. De notre côté, il fallait aussi se comporter de manière exemplaire pour que les nouveaux adhèrent au projet du FC Metz.

Aujourd’hui, comment transmettez-vous la culture FC Metz aux jeunes joueurs du club ?
Dans tous les messages qu’on leur transmet, on leur demande d’être dans une logique d’un club qui a de l’ambition, qui aime les joueurs qui s’intègrent vite, qui adhèrent, qui ont envie de participer au projet du club et qui pensent plus au collectif qu’à leur ego. Ensuite, pour les spécificités du club, on a une histoire particulière, des couleurs, un blason, une histoire forte. C’est bien quand les joueurs s’en rendent compte et qu’ils veulent prolonger cette histoire-là. De nos jours les joueurs sont plus individualistes, mais quand on les ramène sur ces aspects-là, ils adhèrent bien quand même. A l’époque, Carlo Molinari opérait de la même façon. Il était très proche du vestiaire, connaissait les rapports de force et humains de l’équipe. Pour lui, c’était facile d’anticiper les problèmes et de faciliter l’intégration des jeunes et des nouveaux. Dans ses discours, il ramenait toujours les joueurs vers le projet collectif du club. Il faisait aussi beaucoup confiance aux joueurs pour qu’ils donnent le maximum.

Parmi toutes les années que vous avez jouées à Metz, quel est votre meilleur moment ?
Aujourd’hui ce qui me manque le plus, c’est le quotidien du footballeur et d’avoir le plaisir de venir s’entraîner tous les jours. Avec cette montée d’adrénaline quotidienne pour défendre son poste et le match du week-end en permanence en tête. C’était un plaisir quotidien qui était encore plus démesuré quand l’arbitre sifflait le coup d’envoi du match. Quand tout ça s’est arrêté, c’était assez difficile à vivre.


« Dès que l’équipe de Metz est entreprenante et rigoureuse, le public de Saint-Symphorien est tout de suite derrière elle »


Votre époque à Metz est aussi marquée par la présence de Joël Muller sur le banc messin. Quels souvenirs gardez-vous de Joël Muller ?
Joël Muller est quelqu’un de très rigoureux. Ses entraînements étaient très bien construits en fonction de l’objectif qu’on avait sur le match suivant. C’était toujours très précis, bien organisé. Cela permettait à chacun de savoir parfaitement ce qu’il avait à faire et à travailler. Avec sa méthode, il a permis à Metz d’avoir de très bons résultats pendant dix ans de suite. C’est assez incroyable pour un entraîneur. Pendant dix ans, il arrivait tous les matins avec la même envie, la même ferveur, la même capacité de transmettre. Je trouvais cela admirable. Ça n’a jamais ronronné avec lui, il voulait toujours faire progresser les joueurs. Cela nous a permis d’avoir des résultats exceptionnels pendant dix ans. Pratiquement chaque année, Metz jouait les places européennes et visait des titres. Joël Muller voulait que ses joueurs ne lâchent jamais rien.


Parmi toutes les équipes que vous avez connues à Metz, laquelle était la meilleure : celle de 1996 vainqueur de la Coupe de la Ligue ou celle de 1998, vice-championne de France ?
Ce qui s’est passé lors de la saison 1997/98 est l’aboutissement de ce qui a été démarré en 1995/96. Cette saison-là, une vague de jeunes joueurs est arrivée et il y avait aussi une base très solide. Robert Pirès montait en puissance tout comme Jocelyn Blanchard ou Frédéric Arpinon. Ces joueurs ont amené quelque chose de nouveau. Lors de la saison 1997/98, Robert Pirès jouait à un très haut niveau tout comme Frédéric Meyrieu. Le FC Metz 1997/98 était l’équipe la plus complète. Dans cette équipe, on n’avait pas besoin de beaucoup parler, il y avait beaucoup d’automatismes, les problèmes étaient résolus en deux ou trois coups d’œil. On avait aussi une grande souplesse tactique, en fonction du jeu de l’adversaire on arrivait à s’adapter en un rien de temps. Cela nous permettait d’avoir une grande confiance en nous et de l’efficacité dans le jeu offensif ou défensif.


Quels sont les meilleurs joueurs que vous avez côtoyés au FC Metz ?
Il y en a beaucoup car j’ai commencé en 1985 et fini en 2002. Cela sera difficile de citer tout le monde. Robert Pirès est un joueur qui a été très décisif. Je pense aussi à Carmelo Micchiche, Eric Black ou Aljosa Asanovic. Ces joueurs étaient extrêmement brillants. Ils m’ont toujours impressionnés. Il y a ce qu’on voit pendant les matchs mais il y a aussi le quotidien à l’entraînement et ces joueurs-là étaient aussi exceptionnels à l’entraînement. J’ai aussi été marqué par Sylvain Kastendeuch, Jules Bocandé, Gerald Baticle, Fred Meyrieu, Jocelyn Blanchard ou Danny Boffin. Il y a eu une tonne de joueurs à Metz qui avaient un jeu exceptionnel.


Comment réussissiez-vous à l’époque à faire du Stade Saint-Symphorien une place quasi imprenable en Ligue 1 ?
On n’avait peur d’aucune équipe. Je n’ai jamais commencé un match en me disant « aujourd’hui, qu’est-ce qui va nous arriver ». Je jouais toujours avec une grosse ambition. Nous avions aussi une grande rigueur sur le plan défensif. Chaque année, nous étions très bien classés au classement des défenses. A chaque match, il y avait l’envie de ne jamais lâcher et d’être tenace. Puis il y avait aussi une sacré ferveur qui était liée à la région et au public. Tout le monde avait l’ambition d’aller vers l’avant y compris contre les gros clubs et cela nous permettait de remporter beaucoup de matchs à domicile. Cette ferveur est toujours présente à Metz. Dès que l’équipe est entreprenante et rigoureuse, le public est tout de suite derrière elle.


Qu’est-ce qui a manqué à Metz pour ne pas être champion de France en 1997/98 ?
6 buts. Pendant la moitié de la saison, Metz était en tête et méritait aussi d’être champion de France. Le tournant c’est la match à la maison contre Lens. Intrinsèquement, on était meilleurs que Lens mais on a très mal abordé le match. C’est l’un des rares matchs de la saison où on a été mis sous pression et un peu fébriles. On a perdu à la maison. En faisant un nul sur ce match-là on aurait été champion.


« Grâce aux supporters, la déception de ne pas avoir été champion de France avait été balayée »


Lors de la dernière journée de la saison 1997/98. Metz finit deuxième de Ligue 1. La déception était-elle plus forte que la sensation d’avoir réalisé une grande saison ?
Quand on est rentré au vestiaire après ce dernier match, nous étions défaits, vraiment. Puis le plaisir et le bonheur ont repris le dessus quand le public messin nous a rappelés pour aller sur le terrain. Quand on est rentré et qu’on a vu la ferveur du public, tout s’est transformé. Nous nous sommes rendus compte que les gens étaient super contents de ce que nous avions faits et que c’était un exploit. Grâce aux supporters, on s’est rendu compte qu’on avait réalisé un exploit marquant dans l’histoire du FC Metz. Ensuite le président Molinari avait eu la super idée de réserver un camion avec un plateau où toute l’équipe est partie du stade vers la place d’Armes de Metz. Le tout au milieu de la foule. C’était un moment extraordinaire. La déception de ne pas avoir été champion de France avait été balayée. Les moments qui se sont passés à la mairie et dehors avec le public sont les plus grands que j’ai vécus au club. Beaucoup de gens sont attachés à cette période et d’ailleurs un groupe de supporters est issu de cette période-là.


Pourquoi Metz a été éliminé dès le tour préliminaire de la Ligue des Champions contre Helsinki en 1998 ?
Il y a eu un concours de circonstances. Nous avions perdu quatre joueurs importants : Robert Pirès, Jocelyn Blanchard, Rigobert Song ou Cyril Serredszum. Pour recruter des joueurs de cette qualité, ce n’est pas simple. On ne reconstitue pas comme ça une équipe et des automatismes. On a eu énormément de malchances avec des blessures pour les nouveaux joueurs. Moi aussi je m’étais blessé lors de cette période. L’équipe qui a affronté Helsinki était nettement moins forte que celle qui avait terminé la saison précédente. Je pense qu’on avait les moyens d’éliminer Helsinki mais on ne l’a pas fait. Derrière on a été éliminés en 32emes de finale de la Coupe de l’UEFA. Dès le mois d’octobre, la Coupe d’Europe c’était fini pour Metz. La saison a été assez difficile, les choses ne fonctionnaient plus comme elles fonctionnaient auparavant. C’était d’autant plus difficile car on venait de surfer sur trois saisons exceptionnelles.


L’année 1998 a été le sommet pour le FC Metz mais en même temps le début du déclin…
La descente a été progressive. On a quand même été en finale de la Coupe de la Ligue en 1999. La saison 1999/00 est aussi très difficile mais heureusement Gerald Baticle fait une grande saison avec une quinzaine de buts à la clé. En 2000/01, la saison a aussi été difficile mais heureusement Farid Mondagron a fait une saison exceptionnelle dans les buts. Puis la saison 2001/02, on finit par descendre de justesse lors de la dernière journée contre Lorient. La maturité qui était présente au milieu des années 90 nous a fait cruellement défaut cette saison-là. Albert Cartier avait fait le pari de partir avec des jeunes joueurs. Après le club est remonté immédiatement en 2003 et les trois années qui ont suivi, Metz a cravaché pour sauver sa place en Ligue 1. Puis le club a fait le yo-yo pour finalement descendre en National en 2012. Heureusement on a été capables de réagir tout de suite. Il y a eu une énorme solidarité autour du club.


La fin de carrière de Sylvain Kastendeuch en 2001 marquait aussi la fin d’une époque à Metz…
Il a fait une carrière exceptionnelle. Il a arrêté à 37 ans. Ce n’était pas une surprise qu’il prenne sa retraite. Avec Sylvain et Pascal Pierre, nous étions les derniers à avoir une longue histoire avec le club. Aujourd’hui, on a du mal à avoir des joueurs qui restent suffisamment longtemps pour assurer la continuité de l’équipe. Mais il faut être capable d’évoluer dans le foot moderne.


Enfin quel est votre plus grand souhait pour le FC Metz ?
C’est de retrouver une stabilité au milieu du classement de Ligue 1 avec une qualité de jeu et un supplément d’âme qui sont propres à notre club. Cette force de club doit nous permettre de nous stabiliser en Ligue 1 mais aussi de connaître de nouveau des épopées.

Propos recueillis par Thierry Lesage

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