« Ma carrière professionnelle ne s’est pas jouée à grand-chose ». Voici comment Reynald Lemaître résume son très beau parcours qui aurait pu ne jamais exister s’il n’avait pas été sollicité in-extremis par l’INF Clairefontaine après avoir essuyé un premier refus. D’abord milieu gauche tonique, le natif de Chambray-les-Tours s’est reconverti en un excellent arrière gauche à la fin de sa passage à Caen, à Nancy et à Guingamp. Trois clubs où Reynald Lemaître a toujours tout donné. Trois étapes que l’ancien numéro 20 vous fait revivre dans une magnifique interview accordée à Foot d’Avant.

Reynald Lemaître, que deviens-tu depuis la fin de ta carrière de joueur de football professionnel ?
J’ai arrêté il y a deux ans et demi. J’ai déménagé à Rouen car j’ai effectué une formation en tant que conseiller en gestion du patrimoine. J’ai suivi mes trois amis qui étaient au centre de formation de Caen : Julien Valéro, Marc Coplo et Baptiste Dumets. Je vais très souvent à Caen pour le travail. Je revois d’ailleurs mon ami Yohan Eudeline ou Pilou Mokkedel qui a ouvert un restaurant. Ce nouveau métier me plaît beaucoup. Dans environ six mois, nous allons ouvrir un cabinet à Montpellier avec Julien Valéro. Parallèlement, je suis associé avec Benjamin Nivet dans une société qui s’appelle Allyteams. Elle aide les sportifs à penser à leur après-carrière. Avant cela, je suis parti à Tahiti, un mois.

Comment es-tu arrivé à Tahiti ?
Marama Vahirua m’a proposé de venir pour participer à la Ligue des Champions de l’Océanie qui avait lieu à Papeete. J’ai joué quelques matches des phases de poules et j’ai également participé à certaines rencontres de championnat. J’ai dû retourner en Métropole pour poursuivre ma formation. Là-bas, le jeu est basé sur le physique. Je dirais que le niveau correspond à la N2.

Que retiens-tu de cette expérience de vie ?
C’était top. Déjà, je vivais dans la famille de Marama. J’ai été super bien accueilli et ça m’a permis de connaître Tahiti de l’intérieur. Les Tahitiens ont une autre mentalité qu’en Métropole. Ils vivent du jour au lendemain. Ici, on pense trop à l’avenir et on ne vit pas assez l’instant présent. J’ai ressenti une paix en allant là-bas. J’avais l’impression qu’ils étaient tous zens.

Revenons à tes débuts. Quels étaient tes rêves quand tu étais plus jeune ?
J’ai toujours rêvé de devenir joueur de football professionnel. Je ne pensais qu’à ça. J’ai commencé à Rosny-sous-Bois, en deuxième division de district. Quand j’étais petit, j’étais très rêveur. A 13 ans, je me suis inscrit à Clairefontaine en envoyant un papier journal. Mon père m’a dit : « c’est une opportunité, tu verras le niveau là-bas ». Quand il a annoncé ça à ma mère, elle a eu peur que je quitte la maison. Finalement, j’ai été pris.

Comment as-tu appris que tu étais sélectionné à Clairefontaine ?
J’ai passé les sélections du départ. A la fin, il restait cinquante joueurs. Clairefontaine ne devait en prendre que vingt-cinq. Avant de partir en vacances en juillet, j’ai reçu un courrier me disant que je n’étais pas pris. C’était la douche froide, j’en ai pleuré. Quand je suis revenu de mes vacances au camping dans le Sud, j’ai reçu un nouveau courrier de l’INF Clairefontaine qui m’annonçait qu’une personne s’était désistée et qu’il y avait trois remplaçants potentiels dont moi. J’y suis retourné pendant un mois. J’ai participé à un lever de rideau au Stade de la Route de Lorient, INF Clairefontaine contre Rennes. J’ai marqué trois buts. Je me souviens avoir vu mon idole lors du match qui a suivi : Jean-Pierre Papin. Après la rencontre, j’ai finalement été sélectionné.

« A mes débuts en L2, Jean-Marie Aubry m’a engueulé à la fin d’un match car j’avais loupé une occasion. Mais vraiment. Il était énervé. « Comment tu peux les mettre à l’entraînement et pas en match ». Il m’avait crié dessus. Ça m’avait marqué. Je m’étais fait tout petit. Heureusement, Pascal Braud m’avait défendu »

Comment es-tu arrivé ensuite au centre de formation du Stade Malherbe Caen ?
Lors de ma dernière année de formation à Clairefontaine, j’ai eu une poussée de croissance qui m’a empêché de jouer plus de six mois. Pendant ce temps-là, Jérémie Aliadière, qui était dans ma promotion, est parti à Arsenal. Franck Beria ou Jean-Michel Badiane avaient déjà trouvé un club. Moi, je n’en avais pas. Mon père a donc envoyé des courriers à Caen et Lorient. Au Stade Malherbe, j’ai participé à un tournoi avec les moins de 17 ans et j’ai été pris.

Raconte nous tes années au centre de formation du Stade Malherbe Caen…
La première année, j’étais à l’internat. C’était un peu compliqué car j’avais l’impression que ça se passait bien sur le terrain mais on me mettait toujours dans l’équipe B. C’était incompréhensible car j’avais marqué 14 buts lors de mes cinq premiers matches. A la fin de la saison, les joueurs de CFA sont venus renforcer les moins de 17 ans. Il manquait donc de places pour jouer en CFA à l’occasion du dernier match de championnat. J’ai donc été appelé pour affronter Saint-Maur Lusitanos. Ce jour-là, j’ai marqué et délivré une passe décisive. Ç’a été le déclencheur car la saison suivante j’ai participé à la finale de la Coupe Gambardella (ndlr : en 2001, défaite 2-0 contre Metz).

Comment s’est déroulé ton premier entraînement avec l’équipe professionnelle de Caen ?
Je m’en souviens très bien car mon ami Marc Coplo était également dans le groupe pro. J’avais les yeux écarquillés. Je me disais : « on y est presque ». C’était magique. Xavier Gravelaine était encore à Caen d’ailleurs. J’ai une petite anecdote qui m’avait scotché à l’époque. Il tirait ses coups-francs en début d’entraînement dans son coin. Ensuite Hervé Gauthier a regroupé tout le monde pour expliquer sa séance du jour. Mais lui continuait à tirer les coups-francs. Quand le coach a terminé de parler, Xavier Gravelaine est venu le voir pour lui demander : « qu’est-ce qu’on fait à l’entraînement ? ». Hervé Gauthier lui a expliqué. Et comme ça ne lui a pas plu, il s’est barré (rires). Le week-end suivant, il a inscrit un coup-franc de 40m en pleine lucarne. Là, je me suis dit : « ok d’accord, c’est un joueur à part ».

Comment Patrick Remy, l’entraîneur de Caen entre 2002 et 2005, t’a annoncé que tu allais disputer ton premier match de L2 ?
Je me suis pas mal entraîné avec les professionnels avant de découvrir la L2. Roger Fleury, l’entraîneur de la réserve, m’a dit que le coach comptait sur moi pour monter avec l’équipe première. Patrick Remy m’a donc donné ma chance au début de l’année 2003. Ensuite, il a continué à me faire jouer assez fréquemment. A l’époque, tout ce que je faisais, ça fonctionnait. Dès que je frappais à l’entraînement, ça rentrait en pleine lucarne. J’étais sur un nuage. Un jour, Patrick Remy m’a fait rentrer et quelques minutes plus tard, j’ai frappé tout près de la lucarne adverse. Jean-Marie Aubry m’a engueulé à la fin du match. Mais vraiment. Il était énervé. « Comment tu peux les mettre à l’entraînement et pas en match ». Il m’avait crié dessus. Ça m’avait marqué. Je m’étais fait tout petit. Heureusement, Pascal Braud m’avait défendu.

Qu’est-ce que tu as ressenti lorsque tu as marqué ton premier but en L2, à Clermont, au début de l’année 2003 ?
Déjà, jouer un match de L2, c’était exceptionnel pour moi, car j’avais toujours un ballon dans les pieds quand j’étais petit. Puis marquer, ce n’était pas une fin en soi mais l’émotion était indescriptible. Je me suis rendu compte que j’avais enfin les pieds dedans.

« J’ai joué avec Franck Ribéry en Espoirs en 2004. On sentait qu’il était complètement au-dessus de tout le monde. Il avait une confiance énorme en lui. Je me souviens que dans le vestiaire, il avait dit : « donnez-moi la balle, laissez-moi faire sur le côté et placez-vous bien devant le but ». En gros, ça voulait dire : « laissez-moi tout faire »»

Quelques jours plus tard, tu marques un but fantastique de 30 mètres face à Istres. Si tu l’avais inscrit aujourd’hui, il aurait sûrement fait le tour des télés et des réseaux sociaux…
(Rires) Il n’y avait pas beaucoup de chaînes de télé qui parlaient de foot à l’époque. Je me souviens très bien de ce jour-là, c’était un match très important dans la lutte pour la montée en L1. La rencontre était assez tendue. Avant de trouver le chemin des filets, le coach avait prévu de me sortir. J’ai tout fait à l’instinct. J’ai réalisé quand j’ai revu la vidéo le soir à la maison. En tout cas, c’était l’apothéose surtout que Caen attendait de revenir en L1 depuis des années (ndlr : sept ans à l’époque). Les minutes qui ont suivi, j’avais une sensation de toute puissance. Ce genre de sensation que je ne peux plus revivre aujourd’hui depuis que je ne suis plus joueur de football professionnel.


Quand on regarde les vidéos de tes buts à Caen, on a la sensation que le groupe était heureux d’être ensemble…
Ouais c’est ça. On s’entendait bien sur et en dehors du terrain. L’ambiance était vraiment bon enfant. Nous à l’époque, c’était peut-être moins professionnel. Ça se ressentait dans nos mentalités. Il y avait une âme. On prenait un tel plaisir. Moi, le foot ce n’était pas un métier. C’était un plaisir. On n’allait jamais à l’entraînement à reculons mais plutôt en souriant. Aujourd’hui, il y a plus de caméras. Le foot génère plus d’argent et les jeunes gagnent beaucoup mieux leur vie plus tôt. Ils ont plus de puissance au club et ça se ressent aussi. Moi quand j’étais jeune à Caen, on portait tout. Quand je me changeais, j’étais dans le jacuzzi avant de pouvoir accéder au vestiaire. Le respect était ancré.

En septembre 2004, tu es sélectionné en équipe de France Espoirs. Raconte nous cette expérience où tu as notamment côtoyé Franck Ribéry…
Il y avait aussi Étienne Didot ou Gaël Clichy. Quand j’ai été en sélection, ça m’a fait bizarre. Tu as le maillot bleu, tu entends la Marseillaise. En plus, cela m’a permis de retourner à l’INF Clairefontaine en portant le maillot de l’équipe de France. Quant à Franck Ribéry, on sentait qu’il était complètement au-dessus de tout le monde. Il avait une confiance énorme en lui. Je me souviens que dans le vestiaire, il avait dit : « donnez-moi la balle, laissez-moi faire sur le côté et placez-vous bien devant le but ». En gros, ça voulait dire : « laissez-moi tout faire ». Ce qu’il faisait à l’époque, c’était déjà exceptionnel. Je n’oublie pas que Franck Ribéry, quelques années plus tôt, était venu faire une détection au Stade Malherbe Caen et qu’il n’avait pas été pris.

Comment s’était déroulé son essai à Caen ?
J’ai le souvenir d’un joueur qui avait une grande confiance en lui. Pourtant, il jouait en National à l’époque. C’était une grande force. Pourquoi le Stade Malherbe ne l’a pas pris ? Je ne sais pas.

Parmi tous les matches de L1 que tu as joués avec Caen, lesquels t’ont le plus marqué ?
Forcément, j’avais un atome crochu lorsque je jouais contre le PSG. Je garde un excellent souvenir de la fois où Caen a battu Paris (3-0) au Stade Michel d’Ornano en avril 2008 (ndlr : le Stade Malherbe n’a plus jamais gagné contre le Paris SG depuis ce match). Ce soir-là, j’ai marqué et effectué une passe décisive à Titi Deroin sur le premier but. J’ai aussi adoré jouer au Parc des Princes. C’est le stade qui m’a donné le plus de frissons. Je garde aussi d’excellents souvenirs de la demi-finale de la Coupe de la Ligue 2005, Caen-Monaco (3-1). J’ai aussi trouvé le chemin des filets, c’était énorme ce soir-là. J’ai vécu quelque chose de magique. Comme la finale d’ailleurs.

« Je savais que Nancy me suivait depuis décembre 2008. Pablo Correa me voulait. Mon agent de l’époque avait de bons rapports avec l’ASNL. Dans pas mal de transferts, ça joue »

Justement lors de la finale face à Strasbourg (ndlr : défaite 2-1), tu as délivré une passe décisive à Sébastien Mazure…
J’ai adoré jouer une finale au Stade de France, c’était un moment unique. J’ai pris du plaisir sur le terrain. Mais je n’ai pas savouré ce moment à sa juste valeur à cause de la défaite. Sachant qu’en plus, on jouait le maintien en championnat. Aujourd’hui, j’ai toujours des regrets car Caen s’était procuré des occasions. Peut-être que ça aurait pu changer la carrière de beaucoup de joueurs si on avait gagné.

En fin de saison, Caen est descendu en L2 et tu es resté. Si ça c’était passé aujourd’hui, tu aurais sûrement été vendu par Caen à l’été 2005 car tu étais un jeune joueur à fort potentiel…
J’ai pensé à partir car je voulais jouer en L1. J’avais réalisé une belle saison 2004/2005. Mais le seul retour que j’avais à l’époque était que je devais rester. Je n’ai jamais entendu dire qu’un club me sollicitait. Ç’a été un regret car j’avais joué avec les Espoirs quelques mois plus tôt. Mais d’un autre côté, j’aimais le Stade Malherbe, j’étais l’un des chouchous du public et j’avais beaucoup d’amis à Caen.

A l’été 2005, Franck Dumas a été conforté comme coach principal de Caen. Quelle était ta relation avec lui ?
J’ai peut-être vécu mes plus belles années avec Franck Dumas. J’adorais son style de jeu, porté vers l’offensive. Ça me correspondait énormément. Même si on prenait beaucoup de buts. Mais au moins, on produisait du jeu et on marquait beaucoup aussi. Après, personnellement, je n’ai pas compris tous ses choix. Lorsqu’il a recruté Nicolas Florentin au poste de milieu gauche en 2005, je n’étais pas dans ses petits papiers au départ. Mais sur le plan personnel, j’adore Franck. Il est humain et marche à l’instinct. Lorsque j’ai commencé ma carrière, j’ai joué avec lui. On le tutoyait quand il était coach. C’était assez particulier quand même.

C’est Franck Dumas qui t’a replacé arrière gauche, un poste où tu as joué toute la fin de ta carrière…
A l’époque, Franck me répétait : « je te vois jouer arrière gauche en doublure de Nicolas Seube ». Moi ça ne me plaisait pas trop. J’ai d’ailleurs failli signer à Reims. Finalement, j’ai bien réfléchi et je me suis dit : « pourquoi pas partir arrière gauche ». En fait, lors de cette saison 2008/2009, j’ai joué 36 matches en L1. J’aurais dû jouer les 38 rencontres mais Franck m’a dit : « il faut faire jouer les autres ». Je me souviens de l’avoir eu mauvaise. Si tu es bon et performant, pourquoi faire plaisir aux autres. Mais pour revenir à mon changement de poste, j’avais même l’impression d’être plus souvent devant que lorsque j’étais milieu gauche. Avec Franck Dumas, on pouvait jouer Marseille ou le PSG, il n’en avait rien à faire, on jouait au ballon. J’aimais le foot spectacle qu’il prônait.

En 2009, Caen redescend en L2. Pourquoi es-tu parti à Nancy ?
Je savais que Nancy me suivait depuis décembre 2008. Pablo Correa me voulait. Mon agent de l’époque avait de bons rapports avec l’ASNL. Dans pas mal de transferts, ça joue. Après, pour ma part, ç’a été compliqué car Caen ne souhaitait pas me laisser partir. Pendant mes vacances, j’ai appelé Franck pour lui dire que je voulais rejoindre Nancy. Il m’a dit : « Ok, mais on n’arrive pas à s’arranger sur l’indemnité de transfert ». « Arrange-toi sur le transfert car c’est le moment de partir pour moi », lui ai-je répondu. Quelques heures plus tard, il m’a rappelé pour m’annoncer mon départ : « Reynald, c’est bon, on s’est arrangé ».

«Fabien Lemoine a été exceptionnel. Quand je suis allé le voir à l’hôpital, il était sous morphine et vraiment pas bien. Il pensait arrêter sa carrière. Il m’a dit : « Reynald, t’inquiète pas, ce n’est pas de ta faute. N’aies aucun regret, même si je dois arrêter, il n’y a pas de soucis » »

Tu parlais du jeu offensif prôné par Franck Dumas. A Nancy, tu as retrouvé un coach ultra défensif…
A l’époque, on m’avait dit : « Quand tu vas à Nancy, mets tes baskets ». Sauf que dans son discours, Nancy m’avait assuré qu’il souhaitait complètement changer de politique et jouer vers l’avant. C’était super, ça me correspondait. Sauf que cela a duré les quatre premiers matches. Après une défaite, bing, Pablo Correa est reparti sur une base beaucoup plus défensive. Il m’a interdit de monter. Mettre des longs ballons devant à Issiar Dia, ce n’était pas du tout mon jeu.

Quels souvenirs gardes-tu de Pablo Correa sur le plan humain ?
J’ai de très bons souvenirs de Pablo Correa. Après, c’est un nerveux. Je l’ai vu pousser des grosses colères et jeter des bouteilles dans le vestiaire. Il disait souvent : « concha de tu madre » (rires). Sinon dans la vie quotidienne, c’est quelqu’un de sympa, ouvert et qui discute beaucoup. Quand on partait en stage, il nous laissait pas mal de liberté.

Ton passage à Nancy a été marqué par ce choc, en août 2010, avec l’ex-Rennais Fabien Lemoine qui a été victime d’une ablation d’un rein. Comment as-tu vécu les choses ?
C’était traumatisant. Sur l’action, je ne fais que sauter et Fabien arrive à pleine balle contre moi. A ce moment-là, je me suis souvenu que j’avais été blessé aux côtes à Caen. Quand je l’ai vu au sol, je me suis dit : « il a la même chose que moi ». Finalement, quand je suis sorti du vestiaire, j’ai appris qu’il était parti à l’hôpital en urgences. C’était la douche froide quand on m’a dit qu’il allait perdre un rein. Après, il y a eu toute la déferlante médiatique, même si dans le monde du foot, ça se savait que je n’étais pas un casseur. Je suis parti le voir au CHU de Nancy et j’ai croisé sa femme qui m’avait ignoré. Je peux la comprendre. Lui avait été exceptionnel. Il était sous morphine et vraiment pas bien. Il pensait arrêter sa carrière. « Reynald, t’inquiète pas, ce n’est pas de ta faute. N’aies aucun regret, même si je dois arrêter, il n’y a pas de soucis », me disait-il. C’est une personne en or et j’ai gardé le contact avec lui jusqu’à son retour en décembre 2010. Lorsqu’il a offert la passe décisive ce jour-là, je lui ai envoyé un message de soutien. J’ai vibré avec lui car j’étais affecté par rapport à ce que j’avais pu lui faire.

As-tu défendu avec le frein à main les mois qui ont suivi ?
Quand je sautais, j’avais une bonne détente mais je pliais ma jambe et c’est notamment pour ça que Fabien Lemoine a percuté mon genou. C’était un mauvais réflexe. Des fois, j’arrêtais de le plier mais ce n’était plus naturel.

Tu es resté à Nancy jusqu’en 2012. Quels sont tes meilleurs souvenirs avec l’ASNL ?
Pour moi, au delà du côté sportif, c’est surtout toutes les personnes que j’ai rencontrées là-bas. On avait une ambiance exceptionnelle dans le vestiaire. J’avais de bons potes à Nancy, nous étions vraiment soudés. Je m’entendais notamment super bien avec Joël Sami, qui évolue aujourd’hui en Thaïlande, André Luiz, Jordan Lotiès, Damien Grégorini, Michaël Chrétien ou Marama Vahirua. Je me souviens que ça rigolait énormément dans le vestiaire. Cette bonne entente se reflétait sur le terrain ensuite.

« Quand j’ai vu la pancarte « Guingamp centre », c’est comme si j’allais à Berck. A mon arrivée, il y avait une grosse averse et il faisait nuit. Personne dans la ville. Je me suis dit : « où je mets les pieds ? » Mais en fait, Guingamp, c’est juste magnifique. Extraordinaire »

Pourquoi es-tu parti de Nancy en 2012 ?
Jean Fernandez voulait renouveler mon contrat. « On veut bien te garder, mais tu seras la doublure de l’arrière gauche et du milieu gauche », m’a-t-il dit. Moi, je voulais un autre challenge et pourquoi pas découvrir l’étranger. On me voulait en Russie, en Roumanie ou à Tel Aviv. J’ai refusé ces propositions. Malheureusement pour moi, le mercato en France n’a pas trop bougé cet été-là. Je me suis retrouvé sans contrat et j’ai déménagé à Caen. Je me suis entraîné six mois avec le Stade Malherbe. J’ai pris un gros coup au moral. Je suis passé de joueur régulier en L1 à chômeur. Je me disais : « qu’est-ce qui va se passer maintenant ?».

Est-ce que Caen t’a fait une proposition à ce moment-là ?
Non car à l’époque, il y avait Raphaël Guerreiro qui était déjà très, très bon avec Malherbe. Patrice Garande et Jean-François Fortin m’ont très gentiment accepté pour que je m’entraîne avec les pros. Ça m’a aidé à garder le rythme. En décembre, je suis parti à Guingamp qui était en L2. Le club était quatrième du championnat à ce moment-là.

Comment as-tu été accueilli à Guingamp ?
Je suis arrivé là-bas fin décembre à l’hôtel. Quand j’ai vu la pancarte « Guingamp centre », c’est comme si j’allais à Berck. A mon arrivée à Guingamp, il y avait une grosse averse et il faisait nuit. Personne dans la ville. Je me suis dit : « où je mets les pieds ? ». Mais en fait, Guingamp, c’est juste magnifique. Extraordinaire. Il y a un public de fou. Il n’y a pas un seul stade en France où tu te fais applaudir quand tu perds 7-2 (ndlr : contre Nice en octobre 2014). Les supporters de Guingamp étaient toujours positifs. Les Bretons sont plus que sympathiques. J’y ai très bien vécu avec ma famille et je me suis fait plein d’amis.

Quels souvenirs gardes-tu de Jocelyn Gourvennec qui a fait monter Guingamp en L1 en 2013 ?
J’en garde un très, très bon souvenir. C’est un coach qui est très, très bosseur. Il sait transmettre sa philosophie. Il communique beaucoup et sait ce qu’il veut. Tout était bien structuré dans son jeu. Je n’ai jamais vu un coach qui proposait autant d’exercices différents.

Quel bilan fais-tu de tes années guingampaises ?
Au début, j’ai eu le plaisir de connaître une montée dans un excellent vestiaire. Après j’ai eu pas mal de soucis physiques. Durant mes années à Guingamp, j’avais un gros problème de bassin. Ça me tiraillait dans le dos. Je suis frustré car je n’ai pas pu donner tout ce que j’avais à donner. Pendant mes dernières années de carrière, j’ai énormément forcé sur mon corps. Ma dernière année avec Antoine Kombouaré ne s’est pas très bien passée car il pensait que je faisais semblant. Aujourd’hui, ce serait impossible pour moi de participer à un entraînement tous les jours ou tous les deux jours.

Enfin, souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Si je dois résumer ma carrière, je peux dire qu’elle ne s’est pas jouée à grand chose. La force mentale et l’abnégation m’ont permis de pousser la porte des pros. Que ce soit à Caen, Nancy ou Guingamp, j’ai fait de belles rencontres.

Propos recueillis par Thierry Lesage

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