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L’ancien gardien de but, aujourd’hui reconverti dans le secteur du transport près de Dunkerque, a été un élément fort de l’épopée guingampaise des années 90 qui a vu l’EAG grimper du National à la Coupe d’Europe en trois ans. Dans cette magnifique interview, où Angelo Hugues se confie également sur ses souvenirs à Dunkerque, Monaco, Lorient, Lyon, Cracovie et Bastia, vous serez bien installé(e) au Stade du Roudourou au plein cœur des années 90. Entretien avec l’ex-dernier rempart de Guingamp.


Angelo Hugues, que deviens-tu depuis la fin de ta carrière ?
Je travaille dans une entreprise de transport près de Dunkerque depuis un an et demi. Je fais beaucoup de route et ça me plaît car j’aime voyager.


Est-ce que le foot pro te manque ?
Non, pas du tout. J’ai pas mal donné et aujourd’hui je me consacre à ma nouvelle vie professionnelle.


Revenons au début de ta carrière à Dunkerque au milieu des années 80…
Déjà à l’époque, il y avait des yeux un petit peu partout pour repérer les bons jeunes. Outre Lille et Lens, l’autre club phare du Nord était Dunkerque à l’époque. J’y suis allé et j’y ai fait mes premières classes. Je suis arrivé dans le groupe pro à 17 ans et demi, j’étais encore jeune et beaucoup de joueurs avaient un âge plus avancé. A l’époque, c’était les vieux briscards qui jouaient au haut niveau et quand on intégrait le groupe pro, on sentait le décalage. Dans les yeux de ces vieux briscards, j’avais l’impression d’être attendu au tournant.


Rapidement, l’AS Monaco te recrute. Comment le club de la Principauté t’a sollicité ?
A l’époque, on entendait parler de moi parce que j’étais jeune et titulaire dans une équipe professionnelle. Ce n’était pas courant en Deuxième Division. Mes prestations ont alerté les recruteurs. Monaco m’avait déjà repéré et approché quand j’évoluais avec l’équipe du Nord lors des sélections nationales en minimes puis en cadets.


« Les Emmanuel Petit ou George Weah avaient une grande gentillesse et une belle mentalité. Pareil pour Glenn Hoddle. Des grands messieurs par leur talent. Je me souviens à l’entraînement lorsque tu étais opposé à George Weah sur les duels aériens, c’était compliqué. Ça rentrait dans le lard »


A Monaco, tu as côtoyé Jean-Luc Ettori. Qu’as-tu appris à ses côtés ?
J’ai appris à attendre. Tout simplement. Quand je suis arrivé à Monaco en 1986, je ne m’attendais pas à attendre aussi longtemps. J’ai attendu sept ans pour pas grand chose car je n’ai pratiquement pas joué. J’ai été obligé de m’exiler à Guingamp pour pouvoir démarrer ma carrière.

Jean-Luc Ettori était un gardien d’expérience à l’époque. Qu’est-ce qu’il t’a transmis ?
Moi à l’époque, j’avais beaucoup de fougue et lui avait un âge plus avancé. Je pense que c’est plus moi qui l’ai piqué au vif par ma fougue. En tout cas moi, je l’ai ressenti comme ça car je n’ai jamais essayé de copier untel ou untel lors de ma carrière.


Quel souvenirs gardes-tu de ton premier match de D1 en 1986 avec Monaco ?
Le premier match en D1 reste toujours un moment particulier. Malheureusement, nous avions concédé une défaite. C’était impressionnant pour un premier match de Première Division car il y avait des joueurs connus des deux côtés. En face, il y avait des Vincent Guerin, David Ginola. Moi je jouais avec certains joueurs de l’équipe de France comme Manuel Amoros, Luc Sonor ou Bruno Bellone. On n’oublie jamais son premier match en D1.


Tu as connu de très grands joueurs à Monaco comme Emmanuel Petit, Lilian Thuram, Jürgen Klinsmann ou George Weah…Quel joueur t’a le plus marqué sur et en dehors du terrain à Monaco ?
Ils m’ont tous un peu marqué. Je ne sais pas si c’est la notoriété qui fait ça, mais ces joueurs étaient abordables et très simples. Après c’est facile pour moi de dire ça car je les ai côtoyés tous les jours. Peut-être que les gens de l’extérieur ont une autre approche. Par exemple, les Emmanuel Petit ou George Weah avaient une grande gentillesse et une belle mentalité. Pareil pour Glenn Hoddle. Des grands messieurs par leur talent. Je me souviens à l’entraînement lorsque tu étais opposé à George Weah sur les duels aériens, c’était compliqué. Ça rentrait dans le lard. Ces gars là, ils ne rigolaient pas. Pour eux, un entraînement ou un match, c’était pareil.


« Cette deuxième place de Guingamp en D2 en 1995 n’était pas une surprise car on s’entraînait tellement dur chaque jour. Nous estimions que c’était mérité »


Comment Guingamp te recrute en 1993 ?
Guingamp me recrute car l’équipe vient d’être reléguée en National. Le club voulait reformer une nouvelle équipe et cherchait un nouveau gardien de but. Guingamp m’a approché car le club voyait que je stagnais à Monaco.


Tu n’as pas eu peur pour ta carrière en redescendant en National ?
Non pas forcément. Quand vous ne jouez pas, il ne peut rien vous arriver de pire. En plus, j’ai senti la grande ambition de Guingamp de remonter tout de suite en D2. Guingamp avait beaucoup d’arguments pour me faire prendre la décision de signer. Je voulais vraiment tenter cette aventure.


Ta première saison à Guingamp se passe bien puisque l’EAG remonte directement en D2 en 1994. Comment as-tu vécu cette saison en National ?
En fait, la saison a été très difficile. Dans cette troisième division, on pouvait avoir l’impression que ça allait être facile car on avait la plus grosse équipe de notre groupe (ndlr : à l’époque, il y avait deux groupes en Nationale 1) sur le papier et sur le terrain. Tout le monde était hyper motivé. Mais il n’empêche que ce n’était pas si simple que ça. Les matchs à l’extérieur étaient difficiles, on devait parfois se serrer les coudes pour arracher un match nul.


La saison suivante, Guingamp monte directement en D1 (ndlr : en 1995) dans un championnat où se trouvait notamment l’OM de Fabien Barthez. Quelle a été la clé de votre succès ?
Il y avait un noyau très fort. Un gros noyau avec beaucoup de joueurs. Et avec les nouveaux joueurs qui nous ont rejoints cette saison-là, ç’a fait tilt tout de suite. Tout le monde a adhéré au projet de jouer la montée en D1 même si ce n’était pas impératif pour le club à ce moment-là. Mais nous savions que sur le plan collectif et individuel, on avait les capacités de monter en D1. Pour nous, cette deuxième place de Guingamp en D2 en 1995 n’était pas une surprise car on s’entraînait tellement dur chaque jour. Nous estimions que c’était mérité. La saison a été exceptionnelle. En plus, le public guingampais a toujours été derrière nous.


« Du National à la Coupe d’Europe, le Roudourou était tout le temps plein. Les supporters étaient toujours présents pour faire du bruit et nous soutenir. Ce public guingampais est extraordinaire »


La première saison de Guingamp en D1 a été magique avec une demi-finale de Coupe de la Ligue (défaite contre Metz 1-2) et une qualification pour la Coupe Intertoto (ndlr : Guingamp a fini dixième de D1 en 1995/96)… Quels sont tes meilleurs souvenirs de cette saison-là ?
Je n’ai que des bons souvenirs de tous les matchs de cette première saison de Guingamp en Première Division. Il n’y a jamais eu de match facile, c’était toujours la bagarre pour prendre des points. A Guingamp, il y avait dix marathoniens devant moi. De derrière, je voyais dix joueurs de foot qui pouvaient tenir deux ou trois heures. Il y avait une telle volonté de réussir. Guingamp avait une grosse équipe de bosseurs.


En demi-finale de Coupe Intertoto, vous réussissez notamment à renverser la vapeur au Roudourou contre Kamaz Naberejnye Tchelny (victoire 4-0 après prolongation) après avoir perdu 0-2 en Russie…
Je n’ai pas trop de souvenirs de ce match. En Coupe Intertoto, j’ai été marqué par le match où nous avons joué sous 42° à l’ombre en Géorgie (victoire 3-1 de Guingamp). C’était extrêmement compliqué mais Guingamp a réussi à s’en sortir. Puis il y a aussi cette qualif’ face à Volgograd pour le premier tour de la Coupe de l’UEFA avec cette victoire 1-0 au Roudourou. Malheureusement, nous n’avons pas eu de chance de tirer l’Inter Milan tout de suite. Pendant plusieurs années, nous n’avons fait que monter, il fallait bien que ça s’arrête à un moment donné.


Face à l’Inter Milan en 1996 en 32emes de finale de Coupe de l’UEFA, Guingamp a d’abord perdu 0-3 au Roudourou avant d’accrocher le match nul 1-1 à San Siro. Raconte nous cette double-confrontation…
A l’aller, on a raté notre début de match. On se fait piéger par cette équipe qui a énormément de talent devant. Ce Maurizio Ganz notamment était un poison. Il allait à 2000 à l’heure. Sur deux coups, le match était plié. Là-bas, Guingamp a obtenu le match nul mais l’Inter Milan savait qu’il n’avait pas besoin d’en faire plus pour passer.


Le Roudourou avait un rôle important pour l’équipe de Guingamp comme encore aujourd’hui d’ailleurs. Quels souvenirs gardes-tu de ce public ?
Du National à la Coupe d’Europe, le stade était tout le temps plein. Les supporters étaient toujours présents pour faire du bruit et nous soutenir. Ce public guingampais est extraordinaire. Il me fait un peu penser au public lensois. Guingamp, c’est vraiment une ville de football. C’est clair et net.


« Moi, j’aurais aimé finir ma carrière à Guingamp mais un événement interne, que je ne souhaite pas développer, a fait que ça ne m’a pas donné envie de rester à l’EAG »


En 1997, Guingamp a perdu la finale de la Coupe de France face à Nice aux tirs-au-but. Qu’est-ce qui a manqué à l’EAG ce soir-là ?
Cette soirée, ça restera un mauvais souvenir. Ça c’est clair. Ça ne sert à rien d’arriver là pour perdre aux tirs-au-but. Nous jouions Nice et nous savions que ça n’allait pas être facile car Nice était assuré de descendre en D2. Il aurait fallu avoir plus de fraîcheur pour faire la différence. Sur les tirs-au-but, je n’ai pas fait de grosse bourde, mais je n’ai pas réalisé des exploits non plus. Sur les pénos niçois, je ne suis pas souvent parti du bon côté.


Lors de la saison 1997/98 tu joues moins avec Guingamp. Une saison qui se termine par une relégation en D2 et un départ pour Lorient…
Je n’ai pas retrouvé la confiance de l’entraîneur suite à une blessure à un ménisque survenue avant cette finale de Coupe de France où je n’étais pas à 100%. Moi, j’aurais aimé finir ma carrière à Guingamp mais un événement interne, que je ne souhaite pas développer, a fait que ça ne m’a pas donné envie de rester à l’EAG.


Tu as joué à Lorient une saison en 1998/99. Le maintien en Ligue 1 a été manqué pour un but en fin de saison (ndlr : -15 pour Le Havre et -16 pour Lorient)…
Beaucoup de gens retiennent ce but manquant en fin de saison mais le maintien ne se joue jamais sur un match. C’est une grosse connerie de dire que Lorient est descendu à cause de son match perdu lors de la 38eme journée à Monaco (0-1). Plus tard lorsque je suis revenu à Lorient, quand je jouais à Lyon ou Bastia, j’ai été hué par le public du Moustoir. Je me disais : « c’est quoi ce bordel ? ». Ensuite, j’ai appris que certaines personnes ont pu penser que j’avais laissé le club suite à la relégation en D2. En fin de saison, j’ai eu une discussion avec Christian Gourcuff. Moi je voulais rester à condition que Lorient me prolonge d’une année supplémentaire. Christian Gourcuff m’a proposé d’attendre le début de saison mais moi j’avais besoin d’avoir de la visibilité. C’est simplement la négociation entre Lorient et moi qui n’a pas abouti.


Puis tu as joué le rôle de doublure à Lyon pendant trois saisons…
Mes saisons à Lyon ont été géniales. J’ai retrouvé les Nordistes Christophe Delmotte et Pierre Laigle. L’OL avait besoin d’un gardien de but d’expérience pour épauler Grégory Coupet et pensait que je pouvais le piquer un peu au vif. Ç’a été le cas d’ailleurs. C’est Jacques Santini qui m’a contacté à l’époque pour que je le rejoigne. A Lyon, j’ai été marqué par l’ambiance extraordinaire. C’était du pur plaisir. La cerise sur le gâteau pour moi aurait été de jouer un peu plus de matchs avec l’OL. Mais à Lyon, j’ai toujours été appelé dans le groupe. J’étais toujours à 100%.


« Je ne sais pas pourquoi, sur Internet, on peut lire que j’ai joué au Qatar, ce n’est pas vrai. Ou alors c’était mon sosie »


A Bastia tu as joué le même rôle avec le gardien de but titulaire, Nicolas Penneteau…
Bastia m’a appelé par l’intermédiaire de Christophe Galtier (ndlr : Angelo Hugues a côtoyé Christophe Galtier dans des compétitions de la catégorie pupilles dans le Nord), l’ex-adjoint de Gérard Gili, pour encadrer Nicolas Penneteau et le repousser dans ses retranchements. Physiquement, j’étais encore au top. La réserve de Bastia et tout le groupe pro bastiais en ont bénéficié. Et surtout Nicolas Penneteau qui a été reboosté à mort. J’ai vécu une année extraordinaire à Bastia.


Tu as aussi été le gardien de but du Wisla Cracovie (en 2002/03). Comment as-tu vécu ton expérience footballistique en Pologne ?
La Pologne a été une expérience extraordinaire. Même si on ne jouait pas toujours sur de bons terrains car les conditions climatiques étaient parfois difficiles. Physiquement et techniquement, il fallait être fort pour ne pas faire de conneries. Il y avait aussi de belles ambiances dans les stades, même chez les équipes moins connues. J’ai eu la chance d’être en contacts avec les internationaux polonais de l’époque. Il y en avait six ou sept à Cracovie. Nous avions une grosse équipe pour jouer le titre de champion. Un titre que nous avons remporté d’ailleurs comme la Coupe de Pologne. L’entraîneur était Henri Kasperczak. Nous avons fait un beau parcours en Coupe de l’UEFA cette saison-là. Nous avons sorti Parme, Schalke 04 puis été éliminés par la Lazio Rome en seizièmes de finale.


Enfin, souhaites-tu ajouter quelque chose ?
D’abord, je ne sais pas pourquoi, sur Internet, on peut lire que j’ai joué au Qatar, ce n’est pas vrai. Ou alors c’était mon sosie (rires). Sinon quand je regarde en arrière, les souvenirs qui reviennent le plus souvent sont ceux que j’ai conservés avec les équipes de Dunkerque en cadets nationaux. C’était une équipe de copains. Si je pouvais revenir en arrière, j’aimerais revivre ces moments-là. Grâce à ce groupe-là, j’ai été convoqué en équipe de France cadets, juniors et Espoirs.


Propos recueillis par Clément Lemaître
(Photo Le Télégramme)


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