Alors que le Stade Rennais a tenu tête à Arsenal en matchs aller-retour de Ligue Europa, Laurent Delamontagne parle d’un autre temps du club breton. Celui de la fin des années 80, quand le Stade Rennais faisait le yo-yo entre la Ligue 1 et la Ligue 2 malgré François Omam-Biyik ou les frères Delamontagne. Un temps où le club a même failli déposer le bilan. A travers le témoignage du frère cadet, vous revivrez l’avant François Pinault au Stade Rennais mais également les années Raymond Domenech à l’Olympique Lyonnais, un club pour lequel il a joué trois saisons, de 1992 à 1995. Interview rétro sur Foot d’Avant

 

Laurent Delamontagne, que deviens-tu depuis la fin de ta carrière de joueur de football professionnel en 1999 ?

Depuis 2005, je suis co-gérant d’une société de communication à Valence. A partir de 1999, j’ai joué en CFA à Montélimar. En même temps, je suis retourné à l’école et j’ai passé le Bac. J’ai ensuite été embauché dans l’entreprise du président où j’étais en charge des parties gestion et informatique. Puis, j’ai travaillé pour une agence de communication qui s’occupait du sponsoring de l’ASOA Valence. Quand le club a déposé le bilan en 2005, la société a disparu.

 

Si on t’avait dit il y a 30 ans que le Stade Rennais rivaliserait avec Arsenal en Coupe d’Europe. Tu y aurais cru ?

Non je n’y aurais pas cru car il y a 30 ans, Rennes faisait le yo-yo entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Quand il remontait dans l’élite, le Stade Rennais avait toujours du mal à se maintenir car il avait le plus petit budget du championnat. Depuis que François Pinault est arrivé à la tête du club en 1998, le Stade Rennais a pris une autre dimension et le centre de formation a sorti de plus en plus de jeunes talentueux. Malgré tout, le club a su garder les pieds sur terre. Il est récompensé cette année. En plus, il y a une grosse demande du public rennais. Les gens sont contents car ils s’identifient à cette équipe qui se bat.

 

Tu as joué une grande partie de ta carrière à Rennes. Supportes-tu le club aujourd’hui ? 

Oui, je supporte Rennes et Lyon. Rennes, c’est ma région. J’ai intégré le Stade Rennais à 14 ans et j’y ai passé 13 ans. Je garde aussi de magnifiques souvenirs de mes trois saisons à l’OL. J’habite à une heure de Lyon aujourd’hui, je viens voir des matchs au Groupama Stadium deux fois par an. J’ai gardé de bons contacts avec les membres du club et l’association des anciens joueurs de l’OL a été créée. Je suis très bien accueilli par le club et Jean-Michel Aulas dès que je viens au stade. C’est extraordinaire la façon dont les anciens joueurs sont reçus. On peut venir quand on veut, nous avons un espace privilégié.

 

Tu disais que tu étais arrivé à 14 ans au Stade Rennais. Comment s’est déroulée ton ascension jusqu’à l’équipe professionnelle ?

Avant, je jouais à La Bouëxière, un club situé à une vingtaine de kilomètres de Rennes. Lorsque j’étais en quatrième, j’ai rejoint le Stade Rennais en foot-études puis j’ai intégré l’équipe cadets. Ensuite, je suis entré au centre de formation à 18 ans. J’ai joué pour l’équipe 3 puis l’équipe 2 qui était en Troisième Division à l’époque. J’ai intégré l’équipe première lors de la saison 1987/88. J’ai joué environ 25 matchs. Malheureusement Rennes est descendu à l’issue de cette saison.

 

“Les gens me disaient que j’étais moins bon que mon frère (ndlr : Patrick Delamontagne, ex-international français). Mais il n’y avait pas besoin de me le dire, je le savais”

 

Comment le Stade Rennais était-il structuré à la fin des années 80 ?

Le club a failli déposer le bilan plusieurs fois. A cette époque, la mairie de Rennes l’avait sauvé. Pendant une bonne dizaine d’années, le Stade Rennais faisait l’ascenseur entre la Ligue 1 et la Ligue 2. Le club avait un budget de Ligue 2. Durant cette période, Patrick Rampillon a pris en main le centre de formation du Stade Rennais et il en a fait l’un des meilleurs de France. Avant Nantes attirait tous les meilleurs jeunes. Laval, qui venait de jouer la Coupe d’Europe (ndlr : en 1983), était même devant Rennes. Puis la machine s’est enclenchée quand le club a sorti les Sylvain Wiltord et Mikaël Silvestre.

 

Parmi tous les joueurs que tu as côtoyés de 1987 à 1992, qui t’a le plus impressionné au Stade Rennais ?

François Omam-Biyik et Patrick Delamontagne. François avait un jeu de tête exceptionnel et était très rapide dans le jeu. Il avait quand même marqué treize buts en une saison. C’était vraiment bien pour une équipe mal classée. Malheureusement, il n’est resté qu’un an à Rennes car le club ne s’est pas maintenu. Le fait de jouer avec mon frère Patrick (ndlr : 3 sélections en équipe de France et ex-joueur de Marseille et Rennes), ç’a été quelque chose d’important pour moi. Nous avons 8 ans d’écart. Jamais je n’aurais pensé jouer un jour dans la même équipe que lui. S’il n’avait pas eu une saison difficile à Marseille, nous n’aurions sans doute jamais évolué ensemble. C’était un super joueur : il était très rapide et avait une excellente détente. Patrick était un numéro 10 à l’ancienne qui organisait le jeu.

 

As-tu souffert de la comparaison avec Patrick Delamontagne ?

Pas énormément car nous avions 8 ans d’écart. Si cet écart d’âge avait été moins important, ça aurait été plus compliqué. A l’époque, nous ne jouions pas vraiment au même poste. Lui était milieu de terrain et moi j’étais plus allier. Les gens me disaient que j’étais moins bon que mon frère. Mais il n’y avait pas besoin de me le dire, je le savais (rires).

 

Quels coachs t’ont marqué pendant tes années rennaises ?

Déjà, Patrick Rampillon pendant trois ans au centre de formation. Il m’a toujours soutenu. Ensuite, Pierre Mosca qui m’a lancé en pro. Il y a aussi Raymond Keruzoré, que j’ai côtoyé quatre saisons. Il m’a beaucoup fait progresser. Je dirais même que c’est le coach qui a le plus compté pour moi à Rennes. Il m’a aidé à franchir en cap. A cette période, j’ai pris plus confiance en mon jeu. Il a aussi reconstruit l’équipe du Stade Rennais qui était tombée assez bas en Ligue 2.

 

“Lyon et son trio Aulas-Lacombe-Domenech misaient déjà sur les jeunes au début des années 90. Le centre de formation était développé. En plus, il y avait déjà un fort potentiel local. Cette philosophie est ancrée à Lyon depuis plus longtemps qu’on ne le croît”

 

Quels sont tes meilleurs moments passés sous le maillot du Stade Rennais ?
Il y a tout d’abord la montée en Ligue 1 en 1990. Même si la saison avait été compliquée, Rennes était quand même monté. Jouer avec mon frère Patrick a vraiment été un super souvenir. Je retiens également la belle ambiance qu’il y avait entre les joueurs. C’était très convivial, on mangeait ensemble après les matchs. On allait les uns chez les autres. Nous étions une bonne bande de copains. Je retiens aussi mon superbe but inscrit à Nice : on perdait 2-1, notre gardien de but avait relancé et j’avais slalomé dans la défense niçoise. C’est sûrement le plus beau but de ma carrière.
Pourquoi es-tu parti à l’Olympique Lyonnais en 1992 ?

J’avais resigné quatre ans à Rennes mais j’avais une clause de départ en cas de relégation. Quand Rennes est descendu, Lyon, Sochaux, Valenciennes voulaient me recruter. Mais je voulais aller à Lyon car j’estimais que c’était une progression pour moi après cinq ans à Rennes. Je sentais que c’était le club où il y avait le plus grand potentiel.

 

Qu’est-ce qui était différent entre Rennes et Lyon à l’époque ?

Lyon avait beaucoup plus de moyens que Rennes et un plus grand stade. Lyon et son trio Aulas-Lacombe-Domenech misaient déjà sur les jeunes. Le centre de formation était développé. En plus, il y avait déjà un fort potentiel local. Cette philosophie est ancrée à Lyon depuis plus longtemps qu’on ne le croît.

 

Comment s’est déroulé ton premier entretien avec Jean-Michel Aulas ?

Au départ, je n’ai pas trop eu affaire à lui. J’échangeais plus avec Bernard Lacombe, qui était directeur sportif de l’OL. Entre nous, ça se passait très bien. A Lyon, Raymond Domenech a été mon premier coach. C’est lui qui m’a recruté d’ailleurs. J’en garde de très bons souvenirs, nous avions d’excellents rapports. La porte de son bureau n’était jamais fermée, on pouvait bien discuter avec lui. Personnellement, j’ai passé une très bonne saison avec Raymond Domenech, j’ai joué pratiquement tous les matchs.

 

“Manuel Amoros, c’était un exemple pour moi. Sa carrière était exceptionnelle et c’était un joueur très professionnel. Quant à Pascal Olmeta, il avait un gros caractère, c’était le meneur d’hommes”

 

Penses-tu que la saison 1994/95 a tout déclenché pour l’Oympique Lyonnais (ndlr : l’OL a fini deuxième de L1 pour la première fois de son histoire) ?

Oui je pense. C’était le meilleur classement de Lyon à l’époque. Le club, qui n’avait pas perdu un match de la saison à domicile, s’est dit qu’il l’avait fait une fois et qu’il pouvait viser plus haut.

 

A l’OL, tu as côtoyé de grands joueurs comme Florian Maurice, Pascal Olmeta ou Manuel Amoros…

Manuel Amoros, c’était un exemple pour moi. Sa carrière était exceptionnelle et c’était un joueur très professionnel. Pascal avait un gros caractère, c’était le meneur d’hommes. Lyon avait plein d’autres bons joueurs comme Florian Maurice, Franck Gava, Sylvain Deplace, Eric Roy, Bruno N’Gotty, Jean-Luc Sassus ou Ludovic Giuly qui commençait à intégrer l’équipe. Il y avait une belle équipe et une bonne ambiance.

 

Pourquoi es-tu parti à Angers (ndlr : le SCO était descendu en L2 un an avant) en 1995 ? 

J’étais en fin de contrat avec l’OL. J’étais en contacts avec Bastia et Saint-Etienne mais ça ne s’est pas fait. Puis Angers (ndlr : en L2 en 1995/96) m’a fait une proposition. J’y suis allé car à l’époque où je jouais à Rennes, les deux clubs se battaient souvent pour monter. Je pensais qu’Angers, qui avait évolué en L1 en 1993/94, allait jouer la remontée. Finalement la saison a été très compliquée : nous avons commencé le championnat avec cinq joueurs importants sur le flanc. Puis le club n’allait pas bien du tout. Il était dans une spirale compliquée. En plus le club avait mis de côté des joueurs qui n’avaient pas le droit de s’entraîner avec le groupe pro. En fin de saison, les blessés étaient revenus et nous avions effectué de bons matchs. C’était malheureusement insuffisant et trop tard pour sauver le club en L2.

 

Puis tu as rejoint l’ASOA Valence en 1996…

Je ne voulais pas rester à Angers en National. Pendant l’été, j’ai été contacté par Léonce Lavagne, le coach de Valence, qui évoluait en Ligue 2. Il souhaitait vraiment que je vienne. Ma famille avait tellement aimé la vie à Lyon que nous étions ravis de revenir dans la région. J’ai d’abord signé deux ans puis j’ai prolongé une saison. Les deux premières saisons ont été très positives, l’ASOA Valence a terminé dixième puis septième. La troisième saison, nous nous sommes maintenus difficilement. Ensuite, le club ne m’a pas conservé. Je devais rester mais certaines paroles n’ont pas été tenues. Mon regret est d’avoir arrêté là-dessus alors que je pouvais encore enchaîner deux saisons supplémentaires en professionnel. Pour ne pas rester sans jouer, je suis parti à Montélimar (ex-National 2) en espérant avoir une offre mais ça ne s’est pas fait malheureusement.

 

Propos recueillis par Clément Lemaître