L’ancien joueur du Stade Rennais, de l’AC Ajaccio, de Dijon et de l’US Orléans revient sur sa belle carrière dans une magnifique interview. Une carrière professionnelle que Stéphane Grégoire a démarrée à l’âge de…29 ans. Pour la terminer 10 ans plus tard. L’ancien joueur de Thouars (ex-National), qui travaillait également au service jeunesse d’une intercommunalité avant de faire du foot à plein temps, raconte comment il apprivoisé ce nouveau monde. Rencontre avec celui que Guy David surnommait le « jeune-vieux » à son arrivée au Stade Rennais en 1997.


Stéphane Gregoire, que deviens-tu depuis la fin de ta carrière en 2007 ?
De 2007 à 2009, j’ai été entraîneur-joueur à l’US Orléans en National 2. Puis j’ai repris mes études à la fac de sport d’Orléans. J’ai passé une licence et un master APAS (Activité physique adaptée et santé). Derrière j’ai travaillé au comité départemental handisport et à la Ligue régionale pour le sport adapté (handicap mental et physique). Depuis deux ans, j’ai ouvert une franchise à Orléans. Je suis à mon compte en tant que coach sportif et enseignant en activité physique adaptée. Je travaille avec des personnes qui ont des pathologies diverses : parkinson, obésité, problèmes de dos, etc…En même temps, je suis enseignant vacataire à la fac de sport d’Orléans. Aujourd’hui, je ne suis plus du tout dans le monde du football.


Continues-tu de suivre les résultats de tes anciens clubs, Rennes, l’AC Ajaccio et Dijon ?
Oui. Malheureusement Rennes a du mal à être régulier alors qu’il devrait logiquement finir cinquième ou sixième chaque saison. Quant à l’AC Ajaccio, le club joue avec ses armes. C’est un club qui se stabilise en L2 avec quelques montées en L1. J’ai aimé jouer pour l’ACA. Puis Dijon, ce n’est pas une surprise que le club soit en Ligue 1 depuis 2016. C’est un bon club de football où les joueurs prennent plaisir à jouer. C’est l’un des rares clubs où les joueurs peuvent être au contact du public après les matchs. J’espère qu’ils vont se maintenir en Ligue 1. Enfin pour l’US Orléans, j’ai moins d’attaches que Rennes, l’AC Ajaccio ou Dijon.


Revenons en 1997. Cette année-là, tu es un bon joueur de National 1, à Thouars. Comment as-tu été repéré par le Stade Rennais
Ça faisait déjà sept-huit ans que Patrick Rampillon tentait de me faire venir au Stade Rennais. Il y avait aussi plein de clubs de Ligue 2 qui me suivaient. Mais je n’étais pas forcément attiré par le foot professionnel. Ma vie me plaisait. A l’époque, je jouais au niveau amateur le plus élevé avec un boulot en parallèle. J’étais responsable d’un service jeunesse dans une intercommunalité. J’avais des grosses semaines avec les entraînements et les déplacements le week-end en bus à Wasquehal ou Fréjus. En plus, cette période correspond au moment où j’ai eu mes premiers enfants. Ça faisait beaucoup trop. J’ai pu me reposer quand j’ai signé mon premier contrat professionnel à 29 ans.


« A mon arrivée dans le foot professionnel à 29 ans, j’ai été surpris par son fonctionnement, notamment par rapport à l’argent. La prime de match correspondait à ce que je gagnais en un mois dans la fonction publique »


Quelles sont les autres raisons qui t’ont poussé à signer professionnel ?
A l’époque, le président du club pour lequel j’évoluais était le chef de l’opposition du maire qui m’employait. Il y avait des tensions et moi j’étais entre les deux. Je me suis dit : “c’est peut-être le moment pour y aller”. En plus je sortais d’une grosse saison en National 1, j’avais marqué pas mal de buts et tout s’est enchaîné derrière.


Tu disais que Rennes te suivait depuis sept-huit ans. En tant que joueur de foot, ça ne te faisait pas rêver d’intégrer le football professionnel ?
Je n’ai jamais été fan de foot. Même aujourd’hui, je regarde très peu les matchs. J’ai deux garçons qui jouent au foot et je ne vais pas souvent les voir jouer. Par contre, j’adorais le pratiquer. J’adore toujours d’ailleurs. Ça explique aussi pourquoi j’ai mis du temps avant de signer professionnel. Puis ce monde ne m’attirait pas. J’ai signé car je me suis dit : “Stéphane, il ne faut pas que tu aies de regrets un jour”. Je pense que si je n’avais jamais signé pro, j’aurais fini aigri. Aujourd’hui, je regrette juste de ne pas avoir intégré ce monde deux ou trois ans plus tôt.


Tu es arrivé au Stade Rennais à 29 ans. Avais-tu les yeux grands ouverts les premiers jours ?
Je ne suis pas arrivé avec des étoiles dans les yeux. Par contre, j’ai été surpris par le fonctionnement du foot professionnel notamment par rapport à l’argent. La prime de match correspondait à ce que je gagnais en un mois dans la fonction publique.


« Guy David disait que j’étais un jeune-vieux. Il avait raison. A mon arrivée à Rennes, j’approchais de la trentaine mais j’étais tellement enthousiaste. Je faisais tous les entraînements à 100%. Parfois, je finissais même avec des crampes »


Quels souvenirs gardes-tu de ton premier entretien avec Guy David, l’ex-entraîneur de Rennes (1997/98) ?
Je ne me souviens plus de ce premier entretien. Je sais que quand il parlait de moi, il disait que j’étais un jeune-vieux. Il avait raison. J’approchais de la trentaine mais j’étais tellement enthousiaste. Je faisais tous les entraînements à 100%. Parfois, je finissais même avec des crampes. Guy David a aimé mon état d’esprit. D’ailleurs, il m’a confié le brassard de capitaine quatre mois après mon arrivée.


A l’occasion de la première journée de championnat à Toulouse (1-0, 1ere journée de la saison 1997/98), tu as remplacé Philippe Brinquin à la 43eme minute. Ensuite, tu n’es plus jamais sorti de l’équipe…
Je me souviens avoir joué arrière droit. C’était l’une des première fois que je jouais à ce poste. J’ai fait un match correct. Derrière, Guy David m’a davantage fait jouer milieu défensif ou milieu droit. La première saison, je n’ai pas toujours été titulaire mais ça m’a permis d’avoir du temps de jeu et de progresser rapidement.  Je me souviens aussi avoir marqué un doublé dès la sixième journée contre Metz (2-2) à domicile. Aux yeux de beaucoup de monde, il a tout changé. Au départ, les sceptiques disaient que j’allais encadrer la réserve. Je ne l’ai pas mal pris. Au contraire, c’était mon carburant.


Lors de ta première saison en pro, étais-tu plus proche des joueurs de ton âge, en fin de carrière, ou des plus jeunes qui découvraient également ce monde professionnel ?
D’entrée, j’avais une autre vision des choses. Tous les entraîneurs que j’ai eus, les Guy David, Paul Le Guen, Rolland Courbis ou Rudi Garcia, je les ai tutoyés. Christian Gourcuff est le seul entraîneur que j’ai vouvoyé de toute ma vie. Nous ne nous sommes pas compris. En général, les entraîneurs demandaient mon ressenti. Ils savaient que j’étais posé et il y avait une autre approche. Pour un entraîneur, c’est positif de savoir qu’un joueur sera toujours derrière toi et prêt à booster les autres.


« C’est une fierté pour mes enfants de savoir que leur père a serré la main de Zinédine Zidane. Avec lui, il n’y avait pas de gri-gri dans tous les sens. Ça jouait très simple notamment avec ses contrôles. Puis il t’embarquait rapidement d’un coup de rein. Ce qu’il faisait, c’était de l’art »


Paul Le Guen est arrivé sur le banc du Stade Rennais en 1998. As-tu senti sa confiance dès les premiers entraînements ?
Paul m’a confié le brassard quelques jours après son arrivée à Rennes. J’ai senti sa confiance. Je ne lui ai jamais tiré dans le dos. Comme je ne l’ai jamais fait avec personne. Si j’avais quelque chose à dire, je le disais en face. Paul a pu me mettre parfois remplaçant. Toute la semaine suivante à l’entraînement, je donnais encore plus pour lui montrer qu’il avait eu tort. On me disait à l’époque que je résonnais comme un vieux. Mais ça ne me dérangeait pas du tout. Au contraire. Cette saison 1998/99 est l’une des meilleures de ma carrière. En plus, Rennes a terminé la saison à la cinquième place.


En 1999, tu as participé à la finale de la Coupe Intertoto face à la Juventus (0-2, 2-2) de Zinédine Zidane, Edgar Davids ou Antonio Conte. Raconte nous comment tu as vécu cette double-confrontation ?
Ces deux matchs ont été extraordinaires. C’est mon meilleur souvenir. Même si c’était la Coupe Intertoto, Rennes jouait un grand match de Coupe d’Europe. A l’époque, il y avait Van der Sar, Zambrotta et compagnie. J’ai adoré ces matchs de Coupe d’Europe car il y avait une ambiance spéciale. Sur ces deux rencontres, j’étais en forme. J’ai aimé l’intensité. Je n’ai pas eu peur de jouer face à ces joueurs-là. Au contraire, ça m’a vraiment boosté. C’est une fierté pour mes enfants de savoir que leur père a serré la main de Zinédine Zidane. Avec lui, il n’y avait pas de gri-gri dans tous les sens. Ça jouait très simple notamment avec ses contrôles. Puis il t’embarquait rapidement d’un coup de rein. Ce qu’il faisait, c’était de l’art.


As-tu été marqué par d’autres joueurs de la Juventus Turin ?
C’était vraiment costaud en face. Au match aller, j’étais milieu défensif dans la zone de Zinédine Zidane et Antonio Conte. Lui c’était un chien sur le terrain. On s’est mis quelques coups. Au match retour, Rennes a joué en 3-5-2 et j’ai évolué sur le côté. J’étais face à Zambrotta. Il était jeune à l’époque et faisait plein d’allers-retours.


« En 2000, Rennes est allé chercher des joueurs inconnus (Severino Lucas, Mario Hector Turdo et Luis Fabiano). Et il les payait très cher. Dès les premiers entraînements, on se disait : “oula, ce n’est pas du haut niveau”»


La saison suivante, Rennes a fait venir plein de joueurs sud-américains (Severino Lucas, Mario Hector Turdo, Luis Fabiano, etc…) pour des grosses sommes d’argent. Comment ce changement de politique de recrutement a été vécu dans le vestiaire rennais à l’époque ?
Rennes est allé chercher des joueurs inconnus. Et il les payait très cher. Dès les premiers entraînements, on se disait : “oula, ce n’est pas du haut niveau”. En plus, j’avais eu l’habitude de travailler avec Shabani Nonda la saison précédente. Quand il faisait des appels, je savais où mettre la balle. Il avait une telle puissance. Là, on avait deux attaquants, Lucas et Turdo, qui étaient super gentils, mais qui n’avaient pas du tout le niveau pour tirer Rennes vers le haut.


En 2001, Christian Gourcuff arrive sur le banc de Rennes et écarte certains cadres de la saison passée…
J’ai été écarté du groupe dès la première semaine. Je n’ai joué aucun match de préparation. J’ai commencé à rejouer au bout de deux mois. Pourquoi ? La saison précédente, j’étais le capitaine de l’équipe de Paul Le Guen et j’avais pris position pour lui en fin d’année. Je ne comprenais pas pourquoi le club l’avait écarté. Peut-être que Christian Gourcuff m’a pris pour un pro Le Guen. Entre lui et moi, on n’a pas réussi à se comprendre. C’était mieux en fin de saison. Pourtant, dès le début, je lui ai dit que je n’allais pas lui mettre de bâtons dans les roues. Je suis redevenu titulaire lors de la 10eme journée. Il a été un peu obligé de me réintégrer car certains cadres en avaient fait la demande et parce que Rennes était en position de relégable. Derrière, on a réussi une série de victoires et j’ai eu la chance de rester dans cette équipe. En fin de saison, je pouvais rester une année supplémentaire au Stade Rennais, mais j’ai préféré partir. J’avais besoin de changer d’air.


Pourquoi as-tu décidé de rejoindre l’AC Ajaccio à l’été 2002 ?
J’ai signé dès le mois de mars alors que la saison n’était pas encore finie. Ça s’est fait après un coup de fil de Rolland Courbis. Il m’a confié avoir besoin d’un joueur d’expérience pour la Ligue 1 et qu’il aimait mon profil de joueur qui mouillait le maillot. A Ajaccio, ça s’est très bien passé pour moi. Ces deux ans en Corse m’ont fait du bien même si c’était un club de L1 avec des infrastructures de L2. Il n’y avait pas de pression particulière. En plus j’ai beaucoup aimé l’environnement et la nature. D’ailleurs, j’y retourne tous les ans pour faire des balades en montagne.


« J’ai signé très rapidement à Dijon car mes enfants étaient plus grands. A 36 ans, quand tu as une offre, tu l’acceptes plus vite pour ne pas mettre ta famille en difficulté. Il faut inscrire les enfants à l’école et trouver une maison. Quand tu es célibataire, tu peux t’installer n’importe où au dernier moment. Mais quand tu as une famille, tu dois penser à plein de paramètres »


Qu’as-tu aimé dans ta vie quotidienne à Ajaccio ?
C’était doucement le matin et tranquille l’après-midi. Quand je revenais sur le continent, j’avais l’impression que ça allait trop vite.


Quels joueurs t’ont impressionné pendant tes deux saisons à l’AC Ajaccio ?
Il y a eu Xavier Gravelaine mais trois semaines après son arrivée, il est reparti. Il estimait que les conditions n’étaient pas dignes d’un club de Ligue 1. C’est dommage parce que techniquement, c’est un joueur qui nous aurait beaucoup apporté. Sinon à Ajaccio, c’était surtout le collectif qui ressortait.


Pourquoi as-tu signé à Dijon à l’été 2004 ?
Michel Moretti et Dominique Bijotat voulaient me faire prolonger mais dans le même temps, les négociations n’avançaient pas. Dominique Bijotat voulait que je vienne en stage de pré-saison même si je n’avais pas signé mon nouveau contrat. Je lui ai répondu : “j’irai en stage uniquement si j’ai signé mon contrat”. Très rapidement le président de Dijon Bernard Gnecchi et Rudi Garcia m’ont contacté. Ils étaient intéressés pour avoir un joueur à vocation défensive pour apporter son expérience à une équipe promue en L2. J’ai signé très rapidement car mes enfants étaient plus grands. A 36 ans, quand tu as une offre, tu l’acceptes plus vite pour ne pas mettre ta famille en difficulté. Il faut inscrire les enfants à l’école et trouver une maison. Quand tu es célibataire, tu peux t’installer n’importe où au dernier moment. Mais quand tu as une famille, tu dois penser à plein de paramètres.


« A Dijon, Rudi Garcia était déjà à 150%, 24h/24 dans le football. Il cherchait toujours à améliorer l’équipe. Il faisait aussi participer les cadres. Avec lui, il y avait beaucoup d’échanges »


Quels souvenirs gardes-tu de Rudi Garcia qui débutait sa carrière d’entraîneur à l’époque ?
Rudi est un passionné. Il était déjà à 150%, 24h/24 dans le football. Il cherchait toujours à améliorer l’équipe. Il faisait aussi participer les cadres. Avec lui, il y avait beaucoup d’échanges. Il avait besoin d’avoir des gens de confiance autour de lui.


Qu’est-ce qui t’a marqué lors de ton passage à Dijon, une époque où le club découvrait la L2 ?
J’ai le souvenir d’un club convivial et familial. Avant et après les matchs, nous étions proches des supporters. Ces échanges étaient vraiment agréables. En plus, j’ai appris que les supporters m’avaient nommé dans le onze type de l’histoire du DFCO en position de défenseur central. Là-bas, j’ai passé trois belles saisons sportivement et humainement.


Tu as fini ta carrière à 39 ans. Aurais-tu aimé poursuivre une ou deux années supplémentaires ?
Physiquement, j’aurais pu faire une année de plus. J’ai hésité d’ailleurs. J’en avais même parlé avec Rudi Garcia et le président de Dijon. Mais Rudi n’était pas trop chaud pour que je prolonge d’une année. Après, ça devenait aussi difficile par rapport aux déplacements et aux mises au vert. Après c’est sympa la vie de joueur de football professionnel, mais on vit en décalé. C’était difficile de partir en vacances avec les enfants. Ils terminaient l’école fin juin quand moi je reprenais la saison en club.


« J’ai eu une carrière en décalé mais ça ne m’a pas empêché d’être joueur de football professionnel pendant dix ans. Ça m’a permis de vivre une superbe expérience à un âge où on prend plus conscience des choses »


Si en 1997, on t’avait dit que tu ferais dix ans de carrière, tu ne l’aurais jamais cru ?
J’ai eu une carrière en décalé mais ça ne m’a pas empêché d’être joueur de football professionnel pendant dix ans. Ça m’a permis de vivre une superbe expérience à un âge où on prend plus conscience des choses. D’un autre côté, ça m’a desservi car même si j’étais bon, on disait toujours : “oui mais il a 35, 36 ou 37 ans”. Même à 32 ans, on me disait : “c’est peut-être ta dernière saison”. Tous les ans, je devais montrer que je n’étais pas mort.


Enfin, souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Ça m’embête que le football n’ait pas une très bonne image aujourd’hui. Il y a eu tellement d’affaires ces dernières années. C’est dommage car le football est un sport qui a des vertus importantes. Malheureusement, il y a trop de gens qui se sont accaparés du foot. Alors que la pratique du football permet de rassembler des personnes de tout niveau socio-professionnel. Le football est un beau sport car il rassemble.


Propos recueillis par Clément Lemaître

Tu es fan du Stade Rennais ? Découvre cette interview de Yoann Bigné