Romain Molina, journaliste indépendant, a publié le livre « The beautiful game ». Un ouvrage qui mêle football, histoires de vie, géopolitique et qui vous emmène partout dans le monde : Irak, Cambodge, Nicaragua, Cuba, Pakistan ou Guatemala. Entretien.

 

Romain Molina, pourquoi as-tu choisi de mêler football et géopolitique dans ton livre « The Beautiful game » (publié aux éditions Exuvie) ?

J’ai toujours eu un faible pour l’outsider, les joueurs dont on ne parle pas trop, le football moins médiatisé. Ici, j’ai voulu mettre en avant quelque chose de différent. J’adore les qualifications à la Coupe du monde et notamment les premiers tours avec les pires nations du monde, avec des destins homériques et des mecs qui ne sont pas toujours professionnels. Puis c’est une porte d’entrée sur le monde. « « The beautiful game » montre que le football est aussi un enjeu de pouvoir. Quelque part, c’est un peu un « Galère football club 2 » (son premier ouvrage) mais romancé.

 

Au début de ton livre, tu consacres cinq chapitres à la victoire de l’Irak à la Coupe d’Asie 2007. Une épopée unique…

Je pense que c’est la plus grande histoire de foot depuis le début du siècle. Je ne vois pas une autre histoire aussi forte sur les plans émotionnel, symbolique et même politique. C’était absolument incroyable. Il n’y a pas que la victoire, c’est aussi ce qu’il s’est passé deux ans avant ou même les deux dernières décennies avec Uday, le fils aîné de Saddam Hussein, qui torturait les joueurs. En 2007, l’Irak vit ses pires années de guerre civile. L’équipe part alors se préparer en Jordanie pour cette compétition. Elle est entraînée par Jorvan Vieira, plus communément appelé « Le Général », qui va immédiatement se prendre la tête avec un des vice-présidents de la fédération, qui est un des généraux de l’armée irakienne et qui veut faire peser ses choix pour les compositions d’équipe. Il a menacé de se barrer et des joueurs l’ont rattrapé en taxi. Finalement, l’hôtel n’est plus payé, ni la nourriture. Ils vont trouver un restaurateur irakien à Amman, qui va les nourrir. Trois-quatre jours avant de partir en Thaïlande pour la première phase, le préparateur physique rentre à Bagdad car sa femme va accoucher. Il voit la naissance de son enfant, deux jours plus tard, il doit repartir et va prendre son ticket dans une agence de voyage. Il sort, une voiture explose et il meurt. Et l’équipe part comme ça à la Coupe d’Asie.

 

Comment les joueurs ont-ils vécu la compétition malgré ce contexte politique ultra-difficile ?

Pendant la compétition, des membres de l’équipe vont perdre des amis ou des membres de leur famille. Cette sélection représente l’Irak séculaire, avec des Kurdes, des Sunnites, des Chiites et même un Chrétien. Quand elle gagne en demi-finales (à l’issue des tirs au but face à la Corée du Sud), c’est la fête à Bagdad alors qu’il y a un couvre-feu. Et là, deux voitures explosent. Deux attentat qui causent la mort de 130 personnes dont des enfants. Après ça, les joueurs ne voulaient pas jouer la finale (contre l’Arabie Saoudite). Mais ils voient une maman à la télé irakienne qui les supplient de jouer. « J’enterrerai mon fils seulement après, s’il vous plaît », a-t-elle dit. Tu veux faire quoi après ça ? Donc ils jouent.

 

« L’Irak est l’un des pays de foot les plus méconnus du monde. Ce pays vit pour le foot »

 

Pourquoi l’Irak n’a-t-elle pas confirmé sur les compétitions internationales qui ont suivi ?

L’Irak est l’un des pays de foot les plus méconnus du monde. Ce pays vit pour le foot. Après, tu as une corruption endémique dans le pays et la fédération. Beaucoup de trafics. Donc, tu as une instabilité chronique. Les joueurs ne sont pas forcément disciplinés. Il y a aussi un problème sur la formation des coachs. Ils ont des bons joueurs mais aussi un problème d’exigence.

 

Dans ton livre, on voyage dans plusieurs pays du monde : Cuba, Pakistan, Nicaragua, Guatemala, Cambodge, etc… Pourquoi as-tu choisi ces pays ?

En fait, j’avais fait une « inside » lors de Yémen-Arabie Saoudite avec les Yemenites, Bahraïn-Irak avec les Irakiens et Pakistan-Cambodge. J’ai profité d’avoir été au cœur des sélections pendant plusieurs jours. Je mangeais avec les joueurs, j’étais derrière le banc des Pakistanais quand ils jouaient ou avec les Cubains exilés à Miami. Il y avait un côté intime. Mais après, je voulais aussi faire quelque chose sur le Bhoutan, Djibouti, le Tchad, la Mongolie, le Liban, la Palestine, etc… Il y a plein de pays que je n’ai pas pu mettre. Peut-être pour un Tome 2. Si ça devait se faire, on commencerait par l’Afghanistan.

 

« Ce livre, ce n’est pas seulement des histoires de foot, ce sont des histoires humaines. Des vrais parcours de vie »


Quels sont les côtés « Foot d’avant » qu’on peut retrouver dans « The beautiful game » ?

Il y a tous ces destins hors du commun que tu pourrais voir comme avant. Là, les joueurs ne voyagent pas dans des hôtels cinq étoiles ou en première classe. Par exemple, Abdullah Qazi, un international pakistanais, qui joue à Los Angeles, travaillait en parallèle chez Apple. Il a traversé le monde entier pour jouer les qualif’ avec son pays. Il prend toutes ses vacances, en ajoutant quelques arrêts maladie, juste pour ça. C’est un côté foot à l’ancienne. Ce livre, ce n’est pas seulement des histoires de foot, ce sont des histoires humaines. Des vrais parcours de vie.

Retrouvez « The beautiful game » (éditions Exuvie) de Romain Molina juste ici