Devenu entraîneur depuis une dizaine d’années et actuellement à la recherche d’un club, Franck Priou explique comment les Luis Fernandez, Elie Baup, Silvester Takac ont influencé sa façon de coacher. L’ancien buteur parle aussi du foot d’avant qui l’a mené d’Istres à l’AS Cannes de Zidane, Vieira et Micoud en passant par Lyon, Mulhouse, Saint-Étienne, Caen et Martigues. Un foot d’avant beaucoup plus rugueux qui correspondait à son style de jeu. Entretien cash avec Franck Priou.

Franck Priou, que deviens-tu depuis la fin de ta carrière de joueur de football professionnel en 2000 ?
Une fois que j’ai arrêté ma carrière, j’ai été directeur sportif pendant dix ans à Istres et depuis une dizaine d’années, je suis devenu entraîneur de CFA et National. Depuis un an, je suis en stand-by. Je n’ai pas repris car j’avais besoin de souffler. Désormais, j’espère retrouver un banc au mois de juillet. J’ai envie de reprendre parce que le terrain me manque. J’ai besoin de relever un challenge intéressant sur les deux-trois années à venir.


Qu’est-ce qui te manque le plus au quotidien ?
Être présent sur la pelouse aux côtés de mes joueurs, les séances d’entraînement, l’odeur de vestiaire et les matchs. L’adrénaline du terrain me manque. Tu l’as aussi quand tu es entraîneur. C’est agréable aussi de revoir chaque saison des anciens joueurs que j’ai croisés pendant ma carrière.


En quoi ton expérience de joueur te sert en tant qu’entraîneur ?
J’ai rencontré des entraîneurs comme Luis Fernandez, Didier Notheaux, Elie Baup, Silvester Takac, Pierre Mankowski qui m’ont beaucoup appris. J’essaie de transmettre mon vécu. Je suis arrivé du milieu amateur, je ne suis jamais passé par un centre de formation. Je pense que je suis bien placé pour parler du monde amateur parce que j’y ai joué pendant des années et cela ne m’a pas empêché de faire une carrière professionnelle par la suite. Pour réussir, j’ai dû me battre et y croire. A 15-16 ans, je n’étais pas plus doué que d’autres mais je me suis accroché et c’est ce qui a fait la différence. Comme je dis toujours, il y en a qui ont préféré rester au bar avec des copains pour boire du pastis, pendant ce temps-là, moi j’ai tout fait pour devenir joueur de foot professionnel.


« Ça ne m’intéresse pas d’avoir des barrières avec les joueurs. On vit le même métier, la même passion. J’ai été joueur comme eux et je sais ce qui peut se passer dans leur tête par moments »


Qu’est-ce que t’ont apporté les entraîneurs que tu viens de citer ?
Les Pierre Mankowski, Silvester Takac et Elie Baup m’ont appris la rigueur. Luis Fernandez m’a beaucoup marqué par rapport à la vie de groupe. Je l’ai vu faire pendant deux ans à Cannes, c’était fabuleux et faramineux. Il a réussi à tirer le meilleur de nous tous. Je me souviendrai toujours de sa première phrase le jour où il est passé entraîneur : « le matin quand vous venez à l’entraînement, le plus important est que vous soyez heureux de venir vous entraîner ». Il avait raison. A Cannes, on avait le plaisir de se retrouver, de s’entraîner ensemble et cette solidarité était la force de notre équipe. C’est notamment ce que j’essaie de transmettre depuis des années. Après je ne sais pas si je détiens la vérité. C’est l’entraîneur qui gagne qui la détient.


Est-ce que tu sens les joueurs actuels réceptifs par rapport à ton expérience de joueur ?
Je pense avoir un bon retour. Ça ne m’intéresse pas d’avoir des barrières avec les joueurs. On vit le même métier, la même passion. J’ai été joueur comme eux et je sais ce qui peut se passer dans leur tête par moments. Moi, je ne condamne personne sur le premier coup. Après, il ne faut pas me prendre pour un con non plus…C’est un sport collectif, donc il faut se faire confiance. Chacun doit avancer pour l’autre.


Revenons à tes débuts Franck. Tu disais que tu y avais toujours cru quand tu étais amateur. As-tu quand même douté au moins une fois ?
Non, je ne me posais pas de questions. Tout ce qui arrivait, c’était du bonus. A l’époque, jouer en National ou en CFA, c’était déjà un exploit pour moi. En montant les échelons, j’étais curieux de voir ce que je pouvais faire. Et à chaque fois, ça marchait. Avant de devenir pro, je suis monté avec Istres en Ligue 2. J’ai toujours refusé les sollicitations car je pensais que la meilleure façon de m’adapter à la division supérieure était déjà de jouer avec Istres où j’avais mes repères.


«  Ça m’a fait rigoler quand j’ai vu les échauffourées à la fin de Marseille-Lyon. A l’époque, c’était pire. La différence, c’était qu’il n’y avait pas toutes les caméras comme aujourd’hui »


Comment la Ligue 2 a-t-elle évolué entre le milieu des années 80, soit le moment où tu y jouais avec Istres, et aujourd’hui ?
Que ce soit en Ligue 1 ou en Ligue 2, les joueurs d’aujourd’hui ne pourraient plus jouer face à des Carlos Mozer ou Basile Boli par exemple. Ça m’a fait rigoler quand j’ai vu les échauffourées à la fin de Marseille-Lyon. A l’époque, c’était pire. La différence, c’était qu’il n’y avait pas toutes les caméras comme aujourd’hui. Avant, il y avait beaucoup plus d’accrochages. Le jeu a évolué désormais, tant mieux. Aussi aujourd’hui, il y a trop d’argent dans le foot. Comment on peut dire aujourd’hui que tel joueur vaut tant d’argent, c’est un truc de fou. A l’époque, tous les matchs n’étaient pas retransmis comme aujourd’hui.


Toi aussi à l’époque, tu étais un joueur qui allait à la guerre…
J’étais un joueur qui avait besoin d’être bien physiquement. Le foot était un rapport de force entre les attaquants comme moi et les défenseurs. Devant les buts, je n’étais pas manchot non plus…


Tu prenais aussi pas mal de cartons à l’époque…
Oui parce que j’avais une grande gueule. Je râlais pas mal sur les arbitres surtout quand je faisais des fautes défensives car je ne savais pas tacler (rires). Si je jouais dans le foot d’aujourd’hui, je serais expulsé au bout d’un quart d’heure surtout si je taclais comme je le faisais à l’époque. Une époque où le tacle par derrière n’était pas interdit.


« Les années que j’ai vécues à Cannes étaient assez exceptionnelles »


Tu as joué à Lyon au tout début de la présidence de Jean-Michel Aulas à l’OL. Comment était-il à l’époque ?
Même lui le reconnaît, sa première année a été compliquée car il venait du monde du handball. Au début, il a fait confiance à certaines personnes qui ne lui ont pas rendu service. La deuxième année, il s’est bien rattrapé car Lyon est monté en Ligue 1. Ensuite, il a su s’entourer des bonnes personnes. Tous les titres remportés, la construction du nouveau stade, on ne peut pas lui enlever. Je lui tire mon chapeau. C’est le meilleur président que je connaisse en France. Et depuis longtemps.


Quand Lyon est monté, tu étais à Mulhouse et tu as aussi participé à l’accession en Ligue 1. Quels souvenirs gardes-tu de cette période ?
Je garde de bons souvenirs. Mulhouse est une ville assez sportive, il y avait du monde qui soutenait l’équipe. Quand on jouait en Ligue 1, le stade était plein tous les week-ends. J’ai aussi connu ma femme à Mulhouse. C’est important Mulhouse pour moi.


Tu as ensuite joué trois saisons à l’AS Cannes, de 1991 à 1994…
Les années que j’ai vécues à Cannes étaient assez exceptionnelles. D’abord il y a l’endroit, au bord de la mer. Même à Noël, tu es en short et torse nu. Malheureusement, la première saison en Ligue 1 a été assez difficile car nous avons eu des résultats très, très moyens. Nous avions Boro Primorac comme entraîneur, il ne comprenait rien. Automatiquement, nous sommes descendus en Ligue 2. Ensuite, nous avons commencé la nouvelle saison avec Erick Mombaerts et il a été remplacé à Noël par Luis Fernandez. Nous sommes remontés via les barrages.


« Les Zidane, Vieira et Micoud avaient le respect des anciens. Je ne suis pas surpris qu’ils aient réussi de grandes carrières car ce sont des bons mecs. Ce ne sont pas des gars qui se la pètent »


Comment as-tu vécu cette remontée de Cannes en Ligue 1 en 1993 ?
C’était extraordinaire surtout qu’à l’époque nous avons joué cinq matchs de barrages pour retrouver la Ligue 1. C’est encore plus fort que de finir premier. Tu as l’impression d’être passé par tous les états d’âme. A l’époque il y avait Mickaël Madar, moi, William Ayache, Jean-Christophe Marquet, Gilles Hampartzoumian, Pascal Bedrossian, Patrice Sauvaget, Franck Durix, Kader Ferhaoui, puis Johan Micoud et Patrick Vieira sont arrivés. On avait une équipe de fou. D’ailleurs, la saison qui a suivi la montée, nous avons fini sixièmes et européens. Cannes avait d’ailleurs battu Fenerbahçe chez lui 5-1, c’était un grand moment. Voir tout le stade de Fenerbahçe debout à la fin du match pour t’applaudir, ça fait drôle. Alors qu’avant le début du match, les supporters voulaient nous lyncher.

Comment étaient Patrick Vieira et Zinédine Zidane à l’époque ?
Zinédine Zidane, déjà à l’époque, était égal à lui-même. C’est un type fantastique. Il a toujours un geste amical, il n’oublie pas les années passées avec ses ex-coéquipiers. Sur le terrain, il était doué comme il l’a montré après. A l’époque, il lui manquait de la force physique, il était fin à ses débuts. Il avait besoin de prendre du muscle, ce qu’il a fait ensuite à la Juventus Turin. Être attaquant devant Zidane, c’était un régal. Le ballon arrivait toujours dans les bonnes conditions. Il n’allait pas en touche. Quant à Patrick Vieira, c’est pareil, c’est un super bonhomme. Il a épaté tout le monde lors de son premier match en tant que titulaire à Cannes. Il a gagné sa place direct. En dehors du terrain, il était extraordinaire. Comme Johan Micoud, c’est un bon garçon. Les Zidane, Vieira et Micoud avaient le respect des anciens. Je ne suis pas surpris qu’ils aient réussi de grandes carrières car ce sont des bons mecs. Ce ne sont pas des gars qui se la pètent. Je ne suis pas surpris que Zinédine Zidane réussisse en tant qu’entraîneur. S’il est comme quand il était joueur, les joueurs ne peuvent que l’adorer et le respecter.


Tu as également joué six mois en prêt à Saint-Étienne. Comment as-tu vécu cette période ?
Jouer à Saint-Étienne, c’était mon rêve de gosse. Ce sont les Verts qui m’ont fait aimer le football. C’était un grand moment de ma vie de me retrouver avec le maillot des Verts. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme prévu. J’ai été victime d’une grave blessure à la cuisse qui m’a empêché de jouer pendant quatre mois. La saison a aussi été difficile au niveau des résultats. Saint-Étienne s’est maintenu lors de l’avant-dernière journée à l’occasion de cette saison 1994/95. Je n’ai aucun regret car j’ai vu ce qu’était le club. J’aurais aimé rester mais ça n’a pas été possible.


« Quand ma femme faisait les courses, des supporters des Verts savaient que c’était ma femme et ils lui chargeaient ses affaires dans la voiture. C’est un truc de malade de voir à quel point ils aiment le club. Quand tu joues à Saint-Étienne, les supporters savent tout sur toi »


Ça fait quoi de porter le maillot vert et de fouler la pelouse de Geoffroy-Guichard ?
C’était fabuleux. Quand je rentrais pour l’échauffement, j’avais des frissons. Ça ne m’était jamais arrivé ailleurs. C’était un truc de fou. Puis les gens là-bas, c’étaient des vrais fanatiques des Verts. Ils te suivaient partout en ville, il y avait des attroupements pour des photos ou des autographes. Quand ma femme faisait les courses, des supporters savaient que c’était ma femme et ils lui chargeaient ses affaires dans la voiture. C’est un truc de malade de voir à quel point ils aiment le club. Quand tu joues à Saint-Étienne, les supporters savent tout sur toi. Mais ça reste gentil. J’ai un grand respect pour les supporters des Verts.


Pourquoi signes-tu à Caen en 1995 ?
Après mon prêt à Saint-Étienne, je suis retourné à Cannes. Je comptais faire l’année avec l’AS Cannes, mais Caen s’est proposé et je suis parti là-bas. Le club voulait vraiment revenir en Ligue 1 et avait une belle équipe. Je n’ai pas eu tort car j’ai vécu une saison exceptionnelle à Caen. Malherbe a fini champion de France de D2 en 1996 devant l’OM. C’est quand même bien. Puis comme à Cannes, il y avait un groupe extraordinaire avec les Pascal Vahirua, Raphaël Guerreiro, Stéphane Dedebant, Yvan Lebourgeois. Notre ambiance dans le vestiaire était fabuleuse. C’est aussi pour ça que la saison a aussi bien marché.


Pour toi qui est originaire du Sud, ça fait quoi de terminer un championnat devant l’OM ?
J’ai ressenti une grande fierté. Lors de cette saison 1995/96, j’espérais que l’OM allait monter avec nous. L’OM avait des supers joueurs même en Ligue 2 comme Marcel Dib ou Tony Cascarino. Finir premier devant Marseille, c’était beau pour Caen. J’ai marqué 24 buts cette saison-là et Tony Cascarino 31 buts. Mais le plus important était de finir champion de France car ça reste dans les mémoires.


« En 1996, j’ai dit au président Fortin qu’il faisait une erreur (en refusant de prolonger Franck Priou alors âgé de 32 ans), qu’il affaiblissait l’équipe et que Caen allait le payer cher. Ça n’a pas loupé car Caen est redescendu en L2 l’année d’après »


Comment tu t’es senti au Stade Malherbe Caen ?
Très bien. J’aurais voulu y rester. Mais en 1996, j’ai demandé une prolongation d’une année supplémentaire suite à la belle saison que j’avais faite. On m’a refusé cette prolongation car j’avais 32 ans. J’ai dit à Jean-François Fortin : « vous me laissez partir avec la saison que je viens de faire, OK mais faites venir un attaquant haut de gamme ». Cela n’a pas été le cas, mes remplaçants n’ont pas marqué plus de cinq ou six buts. J’avais dit au président Fortin qu’il faisait une erreur, qu’il affaiblissait l’équipe et que Caen allait le payer cher. Ça n’a pas loupé car Caen est redescendu l’année d’après. Du coup, je suis parti à Martigues en Ligue 2 qui me proposait cinq ans de contrat.


Dans le livre « 20 Légende du Stade Malherbe Caen », tu as déclaré que tu avais « tiré les oreilles de William Gallas pour qu’il se fasse plus respecter sur le terrain »…
A l’époque, William Gallas avait 18 ans et débutait. On le rendait fou au toro car on lui mettait petit pont sur petit pont. Il était trop tendre et je lui ai dit : « maintenant, tu vas t’imposer, tu vas être plus rugueux et beaucoup plus dur pour montrer à l’adversaire que tu es là ». Quand il s’est embrouillé avec un adversaire au match d’après, j’ai vu qu’il avait compris. Ensuite, il a fait une magnifique carrière.


Comment s’est déroulée ta fin de carrière à Istres ?
La fin a été compliquée car je n’avais plus trop la motivation pour jouer au top niveau. Puis ma reconversion en tant que directeur sportif d’Istres m’a plu. J’ai vécu la montée en Ligue 1 en 2004. C’était exceptionnel. Le groupe s’entendait super bien. Dans ces cas-là tu peux renverser des montagnes. Ensuite Istres a été relégué dans la foulée car le niveau de la Ligue 1 était trop élevé. Nous avions le plus petit budget de Ligue 1, ce n’était pas évident. Istres n’était pas prêt. En plus pendant pratiquement toute la saison, nous avons joué à Nîmes car nous n’avions pas de stade homologué pour la Ligue 1.


Enfin, souhaites-tu ajouter quelque chose ?
J’espère qu’on va retrouver certaines valeurs qu’on a perdues aujourd’hui comme le respect. Le résultat passe par le travail et par beaucoup, beaucoup d’humilité pour les plus jeunes.

Propos recueillis par Thierry Lesage

 

Tu es fan du Stade Malherbe Caen ? Découvre l’interview de Milos Glonek juste ici

 

Tu es fan de l’AS Cannes ? Découvre l’interview de Christophe Horlaville juste ici

 

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