Après des débuts remarqués à Montpellier (voir la première partie de l’interview ici), Laurent Robert a explosé au Paris-Saint-Germain. Au cours de cet entretien, l’enfant de Saint-Benoît raconte comment il a réussi à s’imposer au PSG avant que des tensions avec Luis Fernandez le poussent à traverser la Manche. A Newcastle, sous les ordres de Bobby Robson, Laurent Robert a complètement conquis le public anglais par ses buts magnifiques et son engagement total. Même en finissant meilleur passeur de Premier League devant David Beckham, cela n’a pas suffi pour convaincre Roger Lemerre et Jacques Santini de le rappeler en équipe de France. Aujourd’hui, sur Foot d’Avant, l’ancien joueur du PSG vous ouvre la boîte à souvenirs de sa deuxième partie de sa carrière.

 

Pourquoi as-tu choisi de rejoindre le PSG en 1999 ?
A l’époque, le directeur sportif du PSG était Jean-Luc Lamarche. Il s’est déplacé à Montpellier pour me rencontrer. Son discours m’a beaucoup plu. Il m’a dit qu’il me voyait comme un joueur majeur de l’équipe. Il m’a aussi parlé des plans futurs du PSG et notamment de recruter des grands joueurs. Ce projet m’intéressait et j’avais envie de jouer pour le club de la capitale. En évoluant au PSG, je savais que j’allais être plus médiatisé. J’étais super content de signer à Paris.


En 1999, le PSG sortait d’une saison difficile avec trois changements d’entraîneurs et une neuvième place en Ligue 1. Est-ce que cette instabilité t’a fait douter au moment de signer ?
Pas du tout. Le PSG, c’est le club de la capitale. Même si le PSG est un club jeune (ndlr : fondé en 1970), il avait déjà un beau palmarès en 1999. Certes la saison précédente avait été difficile pour Paris mais j’ai cru au projet du club. En signant au PSG, je n’ai pas fait le mauvais choix.


Quelles ont été tes premières impressions en arrivant au PSG ?
Déjà quand j’ai fait la photo de l’équipe au Parc des Princes, je me suis dit : « je vais avoir la chance d’y jouer tous les quinze jours ». Voir et entendre les 45 000 supporters du Parc, ça m’a donné encore plus de motivation. En jouant au PSG, tout le monde s’intéresse à toi et en même temps, tu es encore plus attendu. Avec les médias, j’ai connu des hauts et des bas, mais c’est le quotidien d’un joueur qui évolue dans un grand club. Aujourd’hui aussi, Neymar ou Kylian Mbappé se font parfois critiquer dans les médias. C’est la loi du sport et du foot. Mais ces critiques te remettent dans le droit chemin et te donnent une motivation supplémentaire.


Lors de ta première saison au PSG, tu jouais devant avec Bruno Rodriguez et Mickaël Madar. Avec quels joueurs de l’effectif avais-tu de bonnes relations techniques ?
Je me suis très bien entendu avec Ali Benarbia qui est arrivé la même saison que moi et qui évoluait au milieu du terrain. Avec ma vitesse et ses passes de qualité, nous étions très complémentaires. Lors de cette saison 1999/00, il y avait une équipe de copains, composée de joueurs d’expérience. J’ai beaucoup appris auprès de Bernard Lama. Il me demandait de rester quinze-vingt minutes après les entraînements pour travailler davantage devant le but. Ça m’a permis de progresser encore plus sur mes frappes de balle. Quand je marquais des buts à Bernard Lama à l’entraînement, je me disais que ça allait être plus facile en matchs face aux autres gardiens. Ensemble, on décryptait beaucoup les situations offensives pour que je marque plus facilement le week-end. Grâce à son expérience, j’ai pu inscrire encore plus de buts.

 

« Philippe Bergeroo m’a fait franchir un palier dans ma carrière »


Quelle était ta relation avec Philippe Bergeroo, le coach de l’époque au PSG ?
Excellente. J’en ai gardé un très bon souvenir. C’est un Monsieur qui a été Champion du Monde en 1998 (ndlr : il était entraîneur des gardiens). Quand il te parle football, tu es à l’écoute. J’ai beaucoup appris avec lui. Il m’a fait franchir un palier dans ma carrière. Quand l’équipe était dans le dur, il m’a appris à garder mon calme. Il demandait aussi aux jeunes d’avoir une mentalité de leader.


A Paris, dès ta première saison tu as marqué des beaux coups-francs et notamment une frappe lourde de 30 mètres à domicile face à Montpellier, ton ancien club…
Je me rappelle de ce but : une frappe en force côté gardien. Quand il y avait un coup-franc de 30 mètres, je cherchais d’abord à cadrer et le trou dans le mur pour faire passer le ballon. Si la balle avait une bonne trajectoire, il y avait une chance que ça se termine en but ou que le gardien relâche le ballon dans les pieds de l’attaquant.


Quand tu es arrivé à Paris, as-tu été directement désigné numéro un pour tirer les coups de pied arrêtés ?
Oui, dès le début de saison. Eric Rabesandratana avait une grosse frappe sur les coups francs lointains donc on pouvait être à deux près du ballon. On regardait d’abord comment le mur était placé et le joueur qui tirait était celui qui sentait mieux le coup. On ne se prenait pas la tête.


A l’été 2000, le PSG effectue un très gros recrutement avec le grand retour de Nicolas Anelka et les arrivées de Peter Luccin et Stéphane Dalmat. Quelle a été ta réaction quand tu as vu arriver tous ces joueurs ?
En 1999, je savais que de grands joueurs allaient arriver au PSG. C’était dans le projet. J’étais super content de pouvoir évoluer auprès de ces joueurs. Dès ma signature en 1999, je savais que le PSG était en discussions avec Nicolas Anelka pour le faire revenir (ndlr : il jouait à l’époque au Real Madrid). Quant à Stéphane Dalmat et Peter Luccin, ils ont beaucoup apporté au milieu de terrain. Il était important à l’époque que Paris se renforce pour sortir de la poule en Ligue des Champions.


« Avant PSG-Rosenborg, je me suis mis une telle pression. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je ne sais pas comment j’ai fait pour réaliser un match pareil le lendemain. Quand l’arbitre a sifflé le coup d’envoi de la rencontre, la pression est retombée d’un coup et je me suis senti pousser des ailes »


Ce bel effectif a tenu ses promesses les premiers mois avant de sombrer pendant l’automne. Pourquoi ?
Parce qu’il y a eu un changement d’entraîneur alors que tout se passait bien. Il a fallu une lourde défaite à Sedan (ndlr : 5-1) pour que Philippe Bergeroo soit démis de ses fonctions (ndlr : le PSG était à 6 points du podium après cette défaite). A ce moment-là, j’étais le meilleur buteur du championnat avec douze réalisations. Ensuite, Luis Fernandez est arrivé sur le banc du PSG. Ça s’est plutôt bien passé au départ. Mais ensuite, on s’est embrouillé et il m’a écarté du groupe. Ces tensions ont rejailli sur l’équipe.


En Ligue des Champions, tu as réalisé un très grand match face à Rosenborg (7-2) en première phase de poules. Peut-on dire que tu as effectué le match parfait ce soir-là ?
Oui, j’ai réalisé le match parfait lors de PSG-Rosenborg. Cette Ligue des Champions me tenait vraiment à cœur. Tu te défonces toute une saison pour jouer ce genre de match. Face à Rosenborg, il suffisait de gagner par trois buts d’écart pour se qualifier pour la deuxième phase de poules. Avant cette rencontre, je me suis mis une telle pression. Je n’ai pas dormi de la nuit. Je ne sais pas comment j’ai fait pour réaliser un match pareil le lendemain. Quand l’arbitre a sifflé le coup d’envoi de la rencontre, la pression est retombée d’un coup et je me suis senti pousser des ailes. J’ai fait quatre passes décisives et marqué un but. C’était une soirée magnifique avec un Parc des Princes en folie. Marquer autant de buts sur un match de Ligue des Champions, ce n’est pas tous les jours que tu vois ça. Aujourd’hui, on me reparle encore beaucoup de ce PSG-Rosenborg.


Lors de la deuxième phase de poules, tu as également marqué un très beau coup-franc au Parc des Princes face à l’AC Milan…
Ce coup-franc a été tiré deux fois. Sur la première tentative, Gennaro Gattuso sort du mur et l’arbitre refait tirer le coup-franc. Je me reconcentre pour le frapper une deuxième fois. Frédéric Déhu décale le mur milanais et j’enroule fort au sol du côté du gardien qui ne voit pas le ballon partir. Quand j’ai vu les filets trembler, j’étais comme un fou. Malheureusement il y avait une grande équipe en face de nous et le PSG a dû concéder le match nul dans les arrêts de jeu de la deuxième mi-temps.

Pourquoi quittes-tu le PSG après la 1ere journée de la saison 2001/02 ?
Après la victoire en Coupe des Confédérations avec l’équipe de France, je rejoins le PSG en stage en Espagne. Je marque sept ou huit buts en Coupe Intertoto. A ce moment-là, Newcastle et d’autres équipes me suivaient. Finalement, ça s’est fait facilement avec Newcastle. J’ai rencontré les dirigeants des Magpies et je n’ai pas hésité car c’était un peu tendu avec Luis Fernandez. L’ex-entraîneur de Newcastle, Bobby Robson, a eu un discours très flatteur pour me faire venir. J’ai effectué ce choix-là car j’avais envie de progresser et de regoûter à la Ligue des Champions.


« Quand les supporters de Newcastle voyaient un attaquant tacler un adversaire, ils kiffaient. Le mec qui travaillait pour l’équipe, qui mouillait le maillot, il était adulé »


Tu as réussi à t’intégrer rapidement dans l’effectif de Newcastle…
En quittant la Réunion pour la Métropole à 16 ans, ça m’a appris à m’adapter. Dès mon arrivée à Newcastle, tout le monde m’a beaucoup aidé pour faciliter mon intégration. Après, c’est encore plus facile si tu es bon sur le terrain.


Tu as marqué plein de buts extraordinaires avec Newcastle : un retourné acrobatique du talon contre Fulham, un coup-franc en pleine lucarne de Fabien Barthez, un très beau slalom dans la défense d’Arsenal ou une frappe lourde de loin contre Liverpool. Parmi ces buts, lequel est ton préféré ?
Ce sont des buts venus d’ailleurs mais différents (rires). A n’importe quel moment de la partie, je pouvais déclencher une frappe. Mais c’est vrai que le retourné acrobatique face à Fulham, tu n’as pas le temps de réfléchir, tu essaies surtout de cadrer.

A Newcastle, tu as découvert le stade mythique Saint-James Park et joué avec la légende Alan Shearer…
C’est une ambiance incroyable et différente du Parc des Princes. Quand les Anglais t’apprécient, ils inventent plein de chansons pour toi. Ça fait chaud au cœur. Quant à Alan Shearer, il me disait : « bon Laurent, dès que tu as le ballon, tu le mets devant le but sans regarder, je serai là pour marquer ». Dans ma carrière, je n’ai jamais vu et connu un joueur pareil. Il arrivait toujours à devancer le défenseur. Il mettait au minimum 20 buts par saison. Dans la vie de groupe, il avait un super état d’esprit. Son côté chambreur te mettait à l’aise tout de suite.


En Angleterre, voici ce que disent les supporters anglais sur Internet quand ils parlent de Laurent Robert : « il n’a pas un pied mais un bazooka », « le meilleur pied gauche des 20 dernières années », « le Roberto Carlos français » « peut-être la frappe la plus lourde de l’histoire du foot », « sûrement l’un des joueurs les plus sous-estimés de son époque ». En France, on n’a pas réalisé que tu effectuais quelque chose de grandiose en Angleterre…
C’est très touchant de voir que j’ai marqué les esprits à Newcastle. J’ai pris beaucoup de plaisir sur le terrain là-bas et je suis heureux d’en avoir offert aux supporters. Quand je jouais à Newcastle à l’époque, les joueurs autour de moi avaient le même état d’esprit. Quand les supporters de Newcastle voyaient un attaquant tacler un adversaire, ils kiffaient. Le mec qui travaillait pour l’équipe, qui mouillait le maillot, il était adulé.


« Mes trois expulsions en Ligue 1 lors de la saison 1999/00 m’ont privé de l’Euro 2000 »


Tu as joué six mois à Benfica. Quel bilan fais-tu de ton passage au Portugal ?
Le bilan est mitigé. C’était un autre football et une autre culture par rapport à ce que j’avais vécu en Angleterre. Je suis arrivé au mois de janvier dans l’optique de disputer les huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Ce n’était pas facile de trouver les bons automatismes. J’ai quand même un petit regret par rapport à mon passage à Benfica car j’aurais pu mieux faire et mieux m’intégrer dans l’effectif. Après, c’est vrai que j’ai marqué un but lointain face à Porto. J’ai eu beaucoup de réussite (rires). De là où je suis, je la vois presque sortir du but et au dernier moment, il y a un effet intérieur qui surprend Vitor Baia, qui n’était pas n’importe quel gardien de but à l’époque.


Par ailleurs, tu as été sélectionné neuf fois en équipe de France. Quels sont tes meilleurs souvenirs avec les Bleus ?
C’est surtout mon but en Turquie (ndlr : Laurent Robert a inscrit le quatrième et dernier but lors de ce match amical remporté 4-0 en 2000). J’ai marqué le dernier but du XXeme siècle de l’équipe de France. Il y a aussi la victoire en Coupe des Confédérations en 2001 en Corée du Sud et au Japon. Entre les Champions du Monde 1998 et les plus jeunes, il y avait un groupe très soudé. Du coup ça facilite les choses sur le terrain.


Parmi tous les grands joueurs que tu as connus en équipe de France, qui t’a le plus marqué ?
Je m’entendais très bien avec Christian Karembeu. Un grand Monsieur. Lui est originaire de la Nouvelle-Calédonie, moi de la Réunion, donc on parlait beaucoup de nos îles. J’ai aussi beaucoup aimé jouer avec Martin Djetou, Olivier Dacourt. Ce sont encore des potes aujourd’hui. Il y avait vraiment un groupe extraordinaire.


Lors de la saison 1999/2000, tu as été expulsé trois fois par le même arbitre de Ligue 1 (ndlr : Monsieur Ledentu). Penses-tu que ces exclusions t’ont empêché de jouer l’Euro 2000 ?
Oui, je pense. J’étais dans la liste élargie avant l’Euro 2000. Je venais de faire une belle saison donc je pense que j’ai été pénalisé par ces cartons.


« Quand je jouais en Angleterre, Roger Lemerre et Jacques Santini ne m’ont pas appelé une seule fois. Par rapport à ce que je réalisais à Newcastle, je pense que j’aurais mérité d’être sélectionné en équipe de France… J’ai peut-être été aussi un peu oublié par la presse française. Pourtant, on me voyait, je mettais des buts pratiquement tous les week-ends »


Avec le recul, penses-tu que tu aurais pu jouer plus de matchs en Bleus ?
Oui. Lors de ma deuxième saison à Newcastle, j’ai fini meilleur passeur de Premier League devant David Beckham. En Angleterre, les médias et les supporters ne comprenaient pas pourquoi je n’étais pas sélectionné en équipe de France avec les prestations que je faisais. Même Bobby Robson ne comprenait pas.


Pendant ta belle période à Newcastle, est-ce que Roger Lemerre ou Jacques Santini t’ont appelé pour te dire qu’ils suivaient tes performances de près ?
Non, pas une seule fois. Je les ai revus et on en a reparlé. Ils m’ont dit que j’étais suivi mais moi je n’ai vu personne de l’équipe de France. Par rapport à ce que je réalisais à Newcastle, je pense que j’aurais mérité d’être sélectionné en équipe de France à cette période-là. Après, il faut respecter le choix du sélectionneur. J’ai peut-être été aussi un peu oublié par la presse française. Pourtant, on me voyait, je mettais des buts pratiquement tous les week-ends.


Enfin, souhaites-tu ajouter quelque chose ?
J’ai envie de dire aux jeunes du Montpellier Hérault de prendre beaucoup de plaisir sur le terrain, de ne pas être timide, de se lâcher et que je suis là pour les aider à progresser.


Propos recueillis par Clément Lemaître

 

Retrouvez la première partie de l’interview juste ici


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