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Après la fin de sa carrière à Nantes en 2006, Olivier Quint est resté en Loire Atlantique où il est aujourd’hui multi-casquettes. Aujourd’hui, Olivier Quint se souvient encore parfaitement des moments forts qui ont rythmé sa carrière à Sedan et Nantes. Il raconte.


Olivier Quint, que deviens-tu depuis l’arrêt de ta carrière pro ?
Actuellement je suis coach dans un club de DSR (Division Supérieure Régionale), la Chapelle-sur-Erdre et consultant à la radio France Bleu Loire Océan pour les matchs du FC Nantes. Une radio où je tiens une chronique le samedi matin. Je suis aussi commercial pour l’équipementier italien Macron.


Quels sont les meilleurs moments de ta carrière pro ?
Il y en a plusieurs. Il y a d’abord la signature de mon premier contrat pro, la demi-finale de Coupe de France Sedan-Le Mans 1999 où nous nous étions imposés au terme d’un match et d’un scénario complètement dingues. Mais aussi la finale de la Coupe de France que Sedan a perdue contre Nantes (0-1), l’épopée de Nantes en Ligue des Champions en 2001/02 avec les matchs contre la Lazio Rome, le Bayern Munich ou Manchester United. Il y a aussi la finale de la Coupe de la Ligue 2004 perdue avec Nantes aux tirs-au-but contre Sochaux.


Ta carrière est d’abord marquée par l’aventure sedanaise. Comment es-tu arrivé au club ?
J’étais à Épernay en Nationale 2 à l’époque. Le club a déposé le bilan au mois de mars 1996. Ensuite j’ai envoyé mon CV à tous les clubs de D1, D2 et National. J’ai eu très, très peu de réponses. Et puis Sedan, par l’intermédiaire de Bruno Metsu, m’a répondu et m’a demandé d’aller faire un essai là-bas. L’essai s’est bien déroulé et Bruno Metsu m’a fait signer. Il m’a fait revenir à un niveau physique convenable car j’étais à la rue totale. Derrière se sont enchaînées cinq saisons incroyables et inoubliables.


Pourquoi étais-tu à la rue ?
A Épernay, on ne s’entraînait pas beaucoup, le club était en grande difficulté. J’avais grossi, je n’étais plus un footballeur professionnel. Il fallait une remise en question et une remise à niveau. Je l’ai faite avec Bruno Metsu, qui était très exigeant sur le plan physique. C’est grâce à lui si j’ai rebondi derrière. Devant tout le monde, il m’a fait comprendre que j’avais quelques kilos en trop, que si je ne voulais pas me planter une deuxième fois je devais bosser énormément sur le plan physique. C’est ce que j’ai fait. Après, j’avais les qualités techniques. Mais j’avais besoin d’être à 100% physiquement. Il m’a vexé aussi, ses paroles ont été très dures par moments mais elles m’ont permis de me remettre dans le droit chemin.


Comment expliques-tu qu’à la fin des années 90, Sedan a pu monter les échelons à une vitesse folle ?
Sedan est un vrai club de foot mais aussi une ville de foot. Il y a un passé et des infrastructures extraordinaires. Quand nous sommes arrivés à Sedan, nous étions tous revanchards et avions envie de prouver que les clubs qui ne nous avaient pas gardés à l’époque avaient eu tort. Nous avions eu envie de bien faire tous ensemble. Après la mayonnaise a pris très, très rapidement. Nous avons eu des résultats incroyables. Puis avec la confiance, nous étions capables de renverser des montagnes. C’est ce qui nous a permis de monter en D2, en D1 puis de finir septièmes puis cinquièmes et de finir en Coupe d’Europe. On avait une bande de potes avec un état d’esprit incroyable, mais les joueurs étaient aussi de qualité sur le plan footballistique. Les coachs qui se sont succédé (Bruno Metsu, Patrick Remy puis Alex Dupont) ont su tirer le meilleur de chaque joueur.


« Quand tu as connu le chômage, tu ne veux pas y retourner donc on se mettait minable sur le terrain »


Quelle était l’ambiance dans le club ?
Exceptionnelle ! A Sedan, à la fin des matchs de Ligue 1, on servait les bières aux supporters au club house. Cela montre l’état d’esprit qu’il y avait dans ce club. La communion avec le public était formidable. Les soirs de match au club house, l’ambiance était incroyable. Incroyable ! Sedan est un club très familial. Les Sedanais sont vraiment des gens qui aiment le foot et aiment leur club. Quand on apprenait que des gens vendaient leur mobylette pour se payer un abonnement et que financièrement c’était difficile pour eux, sur le terrain et en dehors on ne pouvait pas tricher. Puis sur le terrain, on mouillait le maillot quel que soit l’adversaire en face. C’était ça Sedan et c’était exceptionnel.


Quand tu servais des bières aux supporters, tu restais finalement quelqu’un de normal à leurs yeux.
J’ai toujours été quelqu’un de normal, les joueurs qui sont passés par Sedan sont des gens normaux, on n’a jamais eu la grosse tête. C’était un plaisir de servir les supporters et de trinquer avec eux. Si on avait changé, les gens nous l’auraient dit. Ils nous répétaient tout le temps « ne changez pas ».


Une équipe incroyable se forme rapidement avec notamment Nicolas Sachy, toi, Pierre Deblock, Cédric Mionnet, Pius N’Diefi, Alex di Rocco…
Au fur et à mesure des années, on s’est révélé au grand public et on a montré que l’on avait des qualités. Surtout, on n’avait aucune pression, on ne se prenait pas la tête. On prenait un maximum de plaisir parce que nous savions tous d’où l’on venait. Beaucoup d’entre nous avions été largués par des clubs, au chômage ou en grande difficulté. Quand tu as connu le chômage, tu ne veux pas y retourner donc on se mettait minable sur le terrain. C’était une seconde carrière qui débutait. On mordait dedans à 100%. On avait faim mais sans se prendre la tête. Totalement libérés. Sans obligation de résultats, c’était un exploit que Sedan soit en Ligue 1. Cela nous a permis d’avoir des bons résultats. Mais aussi, le staff et l’encadrement nous ont fait progresser.


Quels souvenirs gardes-tu du stade Emile Albeau à Sedan ?
Un boucan épouvantable quand il était plein, une tribune proche du terrain, une ambiance de fou. Après effectivement, il était vieux et vétuste. Il fallait le changer. Mais j’ai vécu de beaux moments là-bas. Notamment deux montées. C’était un club à l’anglaise avec beaucoup de bruit. C’était top d’y jouer. Vraiment.


Le Stade Louis-Dugauguez est un peu différent.
Je ne l’ai connu qu’avec trois tribunes car la quatrième n’était pas finie quand je jouais encore à Sedan. De toute façon, le club avait besoin d’un nouveau stade. Mais ce stade est magnifique. Il est hyper bien conçu et a été construit très rapidement. Pour changer d’ère, il fallait changer de stade. Mais il est très beau comme il est. Malheureusement, c’est devenu un stade de National et CFA et c’est bien dommage.


« Je n’oublierai jamais l’ambiance lors de la demi-finale de Coupe de France 1999 »

 

Revenons sur le parcours en Coupe de France en 1999 : quels sont les moments qui t’ont le plus marqué ?
La demi-finale face au Mans et la finale contre Nantes. Nous n’avions pas fait d’exploit tout au long du parcours car nous étions opposés à des équipes hiérarchiquement inférieures. Puis en demies, nous étions menés 0-1 jusqu’à la 75eme minute chez nous face au Mans. On égalise, on va en prolongation, on mène 2-1, 3-1, 3-2, 4-2, 4-3 puis Le Mans a une occasion pour revenir à 4-4 mais frappe sur la barre. Le suspense était haletant et c’était un match de fou avec des buts de partout. L’ambiance était indescriptible et oui évidemment j’ai été marqué par ce match qui nous a envoyés au Stade de France. C’était un truc de fou et je n’oublierai jamais l’ambiance qu’il y avait autour de ce match.


Après ce match, vous avez dû faire une fête incroyable ?
Même pas. On a profité dans le vestiaire. Le match était un mardi soir et c’est assez compliqué de faire la fête à Sedan en semaine. On s’est même fait virer du resto où on voulait aller manger. Donc on a fini chez un joueur à boire des bières. Mais on a été franchement très soft.


Après tes années de galère, comment as-tu vécu le fait de jouer une finale au Stade de France contre Nantes ?
Je l’ai vécu sans pression, avec beaucoup de plaisir, beaucoup d’envie, beaucoup d’attente même si on se disait que ça allait être difficile car Nantes était favori. On a essayé de rivaliser mais on n’a pas joué le match qu’on attendait. J’avais été déçu du match que j’avais fait personnellement. Collectivement, on aurait aussi pu mieux faire. On prend un but sur un penalty plus que litigieux. Nous avons été déçus du contenu à la fin. Après Nantes n’avait pas volé sa victoire non plus mais j’aurais préféré qu’il s’impose autrement. Sinon par rapport au nombre de spectateurs, c’était impressionnant de jouer au Stade de France, avec l’ambiance vert-rouge d’un côté et vert-jaune de l’autre. C’était top. Surtout qu’un an avant, il s’était passé un truc incroyable pour l’équipe de France. Nous avions eu beaucoup de plaisir d’y être et de participer à ce match. Malheureusement moins de plaisir à la fin avec la défaite.


Pourquoi Sedan finit à une très honorable septième place de L1 à l’issue de la saison 1999/00 ? On avait l’impression que rien ne pouvait vous arrêter…
Nous n’avions pas de pression et absolument rien à perdre. Si le club devait descendre, cela n’aurait pas été illogique quelque part avec les budgets et les effectifs. Nous avons joué libérés, sans se poser de questions. On a prouvé qu’on avait des joueurs de qualité et le recrutement avait été intelligent car les joueurs recrutés collaient à l’état d’esprit du club. Ça nous a permis de finir septièmes et d’accrocher une place en Coupe Intertoto. Puis de finir cinquièmes la saison suivante. Nous étions en constante progression. Nous avons vraiment profité car on savait aussi que ça pouvait s’arrêter très vite. On n’oubliait pas d’où on venait et on était des morts de faim.


Qu’est-ce qui fait qu’un joueur de National deux ans plus tôt devient un très bon joueur de L1 ?
Il est plus facile de jouer en Ligue 1 qu’en National où c’est plus guerrier. Plus tu montes les échelons et plus c’est facile pour jouer. Nous étions des joueurs de qualité qui se sont perdus à un moment de leur carrière et qui ont su rebondir.


« Sans les blessures de Brogno et Mionnet en 2001, peut-être que Sedan aurait pu aller chercher la Ligue des Champions »


La deuxième saison en L1 est celle de la confirmation avec notamment le sommet : le 5-1 contre le PSG à Duguauguez…
Oui c’est le sommet de notre épopée. L’entraîneur du PSG, Philippe Bergeroo, avait été limogé juste après. Jamais personne n’aurait pu penser que Sedan allait mettre 5-1 au PSG. Nous étions en pleine euphorie. Pius N’Diefi avait marqué trois buts ce jour-là. Tout nous souriait. Ce qu’il faut retenir de cette saison 2000/01, c’est notre constance. Nous avons longtemps été en course pour le titre malheureusement on a eu des blessés graves comme Toni Brogno et Cédric Mionnet. Nous n’avons pas su aller au bout car en face il y avait sûrement plus de qualité et d’expérience. Nous n’étions pas là par hasard et avions cherché une belle cinquième place. Sans ces deux blessés, peut-être que nous aurions pu aller chercher la Ligue des Champions. Cette saison, je me souviens aussi de notre victoire aboutie contre Nantes (2-0) où les Nantais n’avaient pas vu le jour. Beaucoup d’adversaires avaient été mangés par Sedan cette année-là. Sur le plan personnel, j’avais aussi réalisé une saison incroyable.

Pourquoi pars-tu en 2001 alors que tu pouvais jouer la Coupe de l’UEFA avec Sedan ?
Pour jouer la Ligue des Champions avec Nantes. C’était devenu un objectif. Je pense que c’était le moment de partir pour franchir un cap.

Nantes a été champion de France en 2001. Pourquoi le club était-il en bas de tableau en début de saison suivante ?

La Ligue des Champions a pris énormément d’énergie la semaine et nous vidait le week-end. Nous étions très bons le mardi ou le mercredi et le week-end, on avait très peu de réussite. On n’avait pas eu la chance du champion que Nantes avait eu l’année d’avant. Je pense aussi que la remise en question de certains qui avaient été champions de France avait été difficile. C’est un ensemble qui fait que la phase aller sur le plan national avait été très compliquée.


Penses-tu que Nantes aurait dû conserver Raynald Denoueix même si la première partie de championnat était difficile ?

Évidemment. Évidemment que Nantes a fait une grosse erreur en le limogeant. Tu ne peux pas virer un entraîneur, vainqueur de deux coupes et du championnat, cinq mois après avoir été champion. En plus on avait gagné à domicile contre Troyes (1-0) juste avant la trêve, ce match nous relançait et on était très bons en Ligue des Champions. Entre guillemets, ça a été le début du déclin de Nantes.


Pour ton premier match de Ligue des Champions, tu marques face au PSV Eindhoven (4-1). C’était le 11 septembre 2001…

En fait, on ne se rend pas bien compte de ce qui s’est passé. Nous étions dans notre bulle, à l’hôtel. On voit les images du deuxième avion qui s’encastre dans une tour. Je venais de me réveiller, j’étais totalement à l’ouest et je pensais que c’était un téléfilm. Après, on a appris que c’était un attentat. On apprend que les matchs du lendemain sont reportés, le contexte est extrêmement bizarre mais il faut jouer ce match vu que l’UEFA a dit qu’il fallait jouer. C’était notre premier match de Ligue des Champions à domicile et il fallait gagner car c’était l’adversaire avec qui on pouvait jouer la deuxième place. On a joué à fond et on a eu la chance de marquer rapidement. Sur mon penalty, j’ai eu un peu de pression car il nous permettait de doubler la mise. C’est en rentrant chez moi que je me suis rendu compte que ce match, il n’aurait peut-être pas fallu le jouer.


« En Ligue des Champions, tu n’as pas le choix, tu repousses tes limites »


Qu’est ce qui change entre le niveau de la Ligue des Champions et celui de la Ligue 1 ?

Le rythme. Ça va deux fois plus vite, ça voit plus vite, ça saute plus vite, ça se déplace plus vite, ça exécute plus vite. Nous avons su nous mettre au niveau car on n’avait pas envie d’être ridicule et de se prendre des raclées. Alors, tu n’as pas le choix, tu repousses tes limites, tu redoubles d’efforts et tu te mets minable. Ça a payé car on a réussi à se qualifier à l’issue d’une première phase où certains adversaires nous ont sûrement un peu pris de haut. Mais on a su se mettre au niveau du PSV Eindhoven, de la Lazio et de Galatasaray.


Il y a aussi cette victoire fabuleuse à Rome (3-1)…

J’étais rentré lors du dernier quart d’heure. Gagner là-bas, c’était un exploit. Il y avait de sacrés joueurs en face et cette victoire avait marqué notre parcours européen.

Tu as aussi pu te mesurer à Manchester United et au Bayern Munich lors de la deuxième phase de Ligue des Champions…

A domicile, nous avions fait 1-1 contre Manchester United grâce à un énorme Mickael Landreau. Manchester avait égalisé sur penalty à la fin mais ils auraient dû gagner bien avant tellement ils avaient eu des occasions. Avec le public derrière nous, nous nous étions sublimés pour repousser l’échéance au maximum. Fabien Barthez m’avait enlevé une balle de 2-1 qu’il avait été cherchée sous la barre. Ça reste un moment magique. On avait explosé au retour sous les coups francs de David Beckham, on avait perdu 5-1. Cela reste un fait marquant dans une carrière.

C’est comment de jouer face à Manchester United…
Ça va vite. Ils avaient une équipe incroyable avec Barthez, Blanc, Scholes, les frères Neville, Van Nistelrooy, Beckham, Giggs, Keane. Cette équipe était taillée pour gagner la Ligue des Champions. On a essayé de se mettre au niveau mais c’était compliqué. On avait même mené 1-0 chez eux sur un but de Frédéric Da Rocha. Mais c’était un autre football.


Un joueur t’a impressionné en particulier ?
David Beckham. Il avait été exceptionnel au match retour. Une main à la place du pied. Il avait fait ce qu’il voulait. Au match aller, Ruud Van Nistelrooy nous avait fait mal et avait été impressionnant.


« J’espère que Sedan va tout faire pour remonter au plus vite »


Que retiens-tu des deux confrontations contre le Bayern Munich ?
On avait perdu chez nous (0-1) par manque d’expérience. On avait rivalisé sur le plan du jeu même si nous n’avions pas eu beaucoup d’occasions. Le Bayern Munich avait été plus réaliste. Ça reste cependant un bon souvenir même si on avait été déçu du résultat. Comme Manchester United, il y avait des internationaux à tous les postes. Au retour, nous n’avions pas explosé car on avait perdu 2-1 avec une équipe super jeune. J’avais été moins impressionné par les joueurs du Bayern que par ceux de Manchester United.


Ensuite, comment as-tu vécu ta fin de carrière au FC Nantes ?
Je me pète les croisés en 2005. Je me dis que je vais arrêter mais finalement le club me propose une année supplémentaire. Je fais tout pour revenir après mon opération. Puis je rejoue la deuxième partie de la saison 2005/06. Je m’étais fixé l’objectif de rejouer en Ligue 1 et je l’ai fait. Le club ne m’a rien proposé derrière, je n’avais pas envie de partir en Ligue 2. J’ai décidé d’arrêter en 2006.


Comment as-tu vécu le déclin du FC Nantes lors des années qui ont suivi ?
C’était terrible car ce club n’avait rien à faire en Ligue 2.


E
nfin, quel est le onze type d’Olivier Quint (joueurs et entraîneurs côtoyés) ?
Sachy – Deroff, Satorra, Eduardo Oliveira, Elzeard – Da Rocha, Savinaud – Deblock, Quint – N’Diefi, Mionnet. Entraîneurs : Bruno Metsu, Patrick Remy, Alex Dupont et Raynald Denoueix.


Veux-tu ajouter quelque chose ?
J’espère que Sedan va tout faire pour remonter au plus vite et que Nantes retrouvera rapidement la Coupe d’Europe.


Propos recueillis par Thierry Lesage