Actuellement reconverti dans l’immobilier et le bâtiment, Hervé Bugnet mène une vie sereine, chez lui à Bordeaux. Pour Foot d’Avant, l’ancien joueur des Girondins s’est confié sur les moments importants de sa vie de footballeur mais également les hommes qui ont eu un rôle positif ou négatif sur sa carrière. Les premiers entraînements avec Lilian Laslandes, Christophe Dugarry ou Sylvain Wiltord à Bordeaux, ses regrets avec les Girondins, sa rafale de buts en Ligue 2, le derby chaud bouillant Rouen-Le Havre devant ses parents, sa brouille avec Louis Nicollin à Montpellier, ses rencontres avec Rudi Garcia à Dijon et Pascal Dupraz à Evian : Hervé Bugnet ouvre son album souvenirs.

 

Que deviens-tu Hervé Bugnet depuis la fin de ta carrière de joueur de foot professionnel ?
Aujourd’hui, je travaille dans le secteur de l’immobilier. J’ai une société de marchand de biens mais aussi une société dans le bâtiment qui s’appelle « B Construction ». Nous sommes quatre associés avec des professionnels du métier. J’habite à Bordeaux aujourd’hui. Pendant ma carrière, j’ai toujours dit que je rentrerais à la maison une fois ma carrière terminée. Aujourd’hui la page du foot est tournée. Ma deuxième vie me convient très bien.


Tu as fait une grande partie de ta carrière en Ligue 2. Quels joueurs te plaisent cette saison en L2 ?
Je vais être très honnête : que ce soit la Ligue 2 ou la Ligue 1, je ne suis quasiment aucun match. Pourtant, j’habite près du Matmut Atlantique à Bordeaux. L’an dernier, j’ai vu deux matchs. J’ai pas mal décroché par rapport au milieu du foot même s’il m’arrive de participer à des événements caritatifs avec des anciens professionnels. A part le Messin Renaud Cohade que j’ai connu à Bordeaux, je suis incapable de citer d’autres noms de joueurs de L2.

 

Pourquoi tu n’as pas reproduit en Ligue 1 les belles choses que tu avais réalisées en Ligue 2 au cours de ta carrière ?
J’aurais bien aimé qu’on me donne ma chance surtout. J’étais vraiment bien en jambes en 1999, 2000 et 2001 quand j’appartenais aux Girondins de Bordeaux. Tu te rappelles des joueurs qui évoluaient devant à l’époque ? Lilian Laslandes, Syvain Wiltord, Christophe Dugarry…C’était très compliqué de se faire une place à Bordeaux. Je réalisais pourtant de belles performances avec la CFA et avec les Espoirs. Si j’avais 20 ans aujourd’hui, je me serais imposé à Bordeaux. Aujourd’hui, un jeune qui met 9 buts comme je l’ai fait à Martigues, il est recruté par un club de Ligue 1 la saison suivante. Après j’ai été prêté à Châteauroux puis au Havre. J’ai marqué 10 et 13 buts (ndlr : 6 passes décisives avec le HAC). Pourtant je n’ai toujours pas eu ma chance à Bordeaux qui avait pris Christian, Pauleta et Vikash Dhorasoo.

 

« Mon premier entraînement avec les Dugarry, Micoud, Benarbia, Laslandes à Bordeaux ? Je me rappelle surtout que j’étais pétrifié. J’avais peur de mal faire, de me faire engueuler par un pro si je n’appuyais pas assez ma passe ou si j’étais mal placé. Si tu loupais un contrôle à côté d’eux, tu avais honte »


Quels souvenirs gardes-tu de tes années au centre de formation de Bordeaux ?
Je n’ai que des bons souvenirs en jeunes : j’ai été deux fois champion de France en -17 ans. Je me rappellerai toujours de ce jour où j’avais 17 ans et que Guy Dubois, l’intendant général du centre de formation, est venu à la cantine pour me dire : « demain matin, tu ne vas pas à l’école, tu vas t’entraîner avec les pros ». S’entraîner à côté d’Ali Benarbia, Lilian Laslandes et toute la clique, c’était un souvenir marquant. Au centre de formation, je me souviens également avoir été le prof d’Espagnol de Pascal Feindouno. Il y a aussi le titre de champion d’Europe des moins de 19 ans en 2000 face à l’Ukraine. A la 65eme, je remplace Djibril Cissé et je marque à la 81eme minute (1-0). A la fin du match, je me dis : « ma carrière va peut-être démarrer et je vais peut-être jouer à Bordeaux ». Quand je rentre à Bordeaux, je ne signe même pas professionnel. Aujourd’hui, ça serait impensable. Finalement, j’ai été prêté un an à Martigues en L2, j’ai marqué 9 buts et Bordeaux m’a fait signer trois ans ensuite.


Qu’est-ce qui t’a marqué lors de ton premier entraînement avec les Ali Benarbia, Lilian Laslandes, Christophe Dugarry…
Je n’ai pas de souvenirs précis de ce premier entraînement. Je me rappelle surtout que j’étais pétrifié. J’avais peur de mal faire, de me faire engueuler par un pro si je n’appuyais pas assez ma passe ou si j’étais mal placé. Si tu loupais un contrôle à côté d’eux, tu avais honte. J’avais aussi peur de faire mal ou de blesser un pro. Après une fois qu’on était dans le jeu, on était vite intégré. Sinon je ne vais pas dire que les jeunes ciraient les chaussures des pros, mais on avait un immense respect pour les anciens. Quand on montait en pro, on ne la ramenait pas. A l’époque, je prenais les ballons à la fin de l’entraînement et je les ramenais au vestiaire. Aujourd’hui, tu demandes à un joueur de ramasser le ballon, il va te dire : « tu me prends pour qui ? ».


Comment ces joueurs internationaux se comportaient avec toi quand tu étais jeune à Bordeaux ?
Très bien. Je n’ai jamais eu de soucis avec eux à part une fois. Un jour à l’entraînement, quelques joueurs de la CFA dont moi sommes venus avec les pros. On avait 19 ans, on faisait un peu les beaux. Un moment, Christophe Dugarry nous a recadrés. Il a gueulé sur Eli Baup : « Oh Eli, c’est quoi ces jeunes que tu nous as ramené, ils ne foutent rien ». Du coup, je me suis dit : « ok tu te la fermes maintenant, mets le bleu de chauffe et montre que tu n’es pas un branleur ».

 

« L’année où je suis prêté au HAC, Eli Baup se fait limoger à l’automne. Michel Pavon lance donc plein de jeunes : Marouane Chamakh, Sylvain Franco, Juan-Pablo Francia, Marc Planus et moi j’étais au Havre. Je ne te raconte pas la paire de glandes que j’avais à ce moment-là »


Comment Eli Baup t’a appris que Bordeaux voulait te prêter à Martigues en 2001 ?
En revenant du championnat d’Europe, Eli Baup me convoque pour me dire qu’il va me donner ma chance. Mais vers le 15 août, je lis dans la presse que Bordeaux a recruté Vikash Dhorasoo et Christian du PSG. Le lendemain à l’entraînement, Eli m’appelle au milieu du terrain pour me dire : « on va te prêter, dis à ton agent qu’il te trouve un club ». Je suis parti à Martigues car j’étais quasiment sûr de jouer en L2. J’ai joué devant avec l’emblématique Anto Drobnjak. Au milieu, il y avait Sylvain Deplace, Selim Benachour, Cyril Serredzum et Rod Fanni en défense avec Mickaël Tacalfred. Malgré la belle équipe que nous avions, Martigues est descendu en National. La mayonnaise n’a pas trop pris. Pour moi, ça s’est bien passé sur le plan personnel car j’ai marqué 9 buts et délivré 6 passes décisives.


Puis tu es prêté à Châteauroux la saison suivante…

Je savais pertinemment que je n’allais pas jouer avec Bordeaux. Châteauroux, je leur avais fait mal la saison précédente avec Martigues en marquant un triplé là-bas. Thierry Froger l’avait eue mauvaise et a fait le forcing pour que je signe à Châteauroux. J’ai marqué 10 buts sous l’ère Trotignon que j’ai retrouvé ensuite à Evian. On aurait pu faire quelque chose. A la trêve, nous étions quatrièmes avec Sébastien Roudet, Guillaume Deschamps et moi devant. Le club a fait une erreur en prenant Wilfried Dalmat à la trêve. Du coup, il jouait en attaque avec Patrick Beneforti. Guillaume Deschamps et moi avons moins joué. La mayonnaise n’a pas pris avec la nouvelle équipe. Si on avait gardé l’ossature du début de saison, je pense qu’on aurait été mieux classé en fin de saison (ndlr : cinquièmes).


Pourquoi es-tu prêté au Havre en 2003/04 ?

Pour la même raison que les saisons précédentes. Au Havre, j’ai marqué 13 buts. L’année où je suis prêté au HAC, Eli Baup se fait limoger à l’automne. Michel Pavon lance donc plein de jeunes : Marouane Chamakh, Sylvain Franco, Juan-Pablo Francia, Marc Planus et moi j’étais au Havre. Je ne te raconte pas la paire de glandes que j’avais à ce moment-là. Sinon au Havre, j’ai été marqué par les joueurs d’expérience comme Pierre Ducrocq ou Gerald Baticle. Mais aussi par le derby face à Rouen. Le Stade Deschaseaux était plein et j’avais marqué le premier but. Guillaume Beuzelin le deuxième. On a gagné 2-0 au Havre. Le derby Le Havre-Rouen, c’est le Marseille-PSG local.

 

« Avant le derby Rouen-Le Havre, Philippe Chanlot avait dit que j’avais fait des doigts d’honneur au public rouennais à l’aller. Il a dit ça pour faire monter la température et pour que le Stade Robert Diochon me prenne en grippe. Mes parents étaient dans les tribunes de Rouen ce soir-là et pendant les cinq premières minutes, tout le public rouennais criait : “Bugnet enculé”. Je pense que ma mère s’en rappelle encore et elle s’en rappellera toute sa vie »

 

Par contre, le match retour à Rouen avait été compliqué pour Le Havre et toi personnellement…
Philippe Chanlot qui jouait à Rouen à l’époque avait déclaré dans la presse rouennaise : “Hervé Bugnet a fait des doigts d’honneur au public de Rouen au match aller”. C’était entièrement faux. Jamais je me serais permis de faire un doigt d’honneur. Il a dit ça pour faire monter la température et pour que le Stade Robert Diochon me prenne en grippe. C’est ce qui s’est passé même si j’avais fait un démenti. Mes parents étaient dans les tribunes de Rouen ce soir-là et pendant les cinq premières minutes, tout le public rouennais criait : “Bugnet enculé”. Je pense que ma mère s’en rappelle encore et elle s’en rappellera toute sa vie (rires). En plus de ça, on a pris une branlée 4-0. Dans le vestiaire, on a pris une avoinée. Le lendemain, il y a eu une réunion à 7h du matin au centre d’entraînement du Havre. On en a pris pour des années (rires). Le président Louvel n’était pas content du tout. Il avait dit : “vous ne vous rendez pas compte de perdre 4-0 à Rouen. Pour les élus et pour nous, c’est une honte”.

 

La saison suivante, comment Michel Pavon t’apprends que tu fais partie de l’équipe de Bordeaux ?
En 2004, j’ai dit à Michel que je ne souhaitais pas être prêté et que je voulais lui montrer ma valeur aux entraînements. Il me prenait souvent dans le groupe. Parfois je rentrais. Puis arrive ce match à domicile contre Rennes en septembre 2004. Lilian Laslandes était blessé et Michel Pavon m’a titularisé. J’ai fait une belle première mi-temps. Puis à la 50eme minute, Rio Mavuba me donne un ballon en profondeur. La balle passe sous le pied d’Abdeslam Ouaddou et je pars seul au but. J’ai encore une photo chez moi de cette action où on voit tous les gens qui se lèvent. Je veux dribbler Andreas Isaksson et il me percute le tibia. En revenant au milieu du terrain, j’avais mal. J’ai descendu ma chaussette et j’ai vu l’état de mon tibia. Je suis parti à l’hôpital me faire recoudre. Au final, il y a eu 0-0. Si j’avais marqué lors de ce match-là, peut-être que j’aurais enchaîné et que ma carrière aurait été différente.


Tu as signé à Montpellier à l’hiver 2005. C’était “la mauvaise époque” de Montpellier quand le club végétait au milieu de tableau de la Ligue 2…
Avec le recul, je me dis que je n’aurais jamais dû partir de ce club. Je suis parti à cause de Louis Nicollin. Je venais de Bordeaux, j’avais une étiquette et j’avais donc l’un des plus gros salaires du club avec Bruno Carotti et Philippe Delaye. Quand ça n’allait pas, il pestait sur les gros salaires. Je me souviens de ce match Sedan-Montpellier en octobre 2005 (2-0). A la fin de la rencontre, Louis Nicollin rentre dans le vestiaire et dit : “il est où Bugnet  ?”. Là, je me suis dit :”oh putain, je suis mort”. Puis il m’enchaîne : “toi, tu n’es qu’un petit tricheur, un petit ci, un petit ça”. J’ai avalé ma salive et je n’ai rien dit. Dans le bus, j’ai appelé mon agent : “tu te démerdes comme tu veux mais à la fin de saison, je me casse de Montpellier”. Le match d’après, c’est moi qui marque le but de la victoire à la Mosson. Je rentre dans le vestiaire et Louis Nicollin m’embrasse : “viens me voir, donne moi ton maillot”. Moi, j’avais encore le goût amer de ses paroles de la semaine passée. Je me suis entêté et je suis parti à Dijon. Je regrette d’avoir réagi comme ça. Aujourd’hui, dans sa très belle collection, il doit y avoir le maillot floqué “Bugnet”.

 

« J’ai beaucoup aimé Rudi Garcia à Dijon. Il était proche de ses joueurs. C’est un très bon entraîneur. Il n’a pas changé »

 

Comment ça s’est passé avec Rudi Garcia qui entraînait Dijon en 2006/07 ?
C’était exceptionnel jusqu’au mois de janvier. On était quatrièmes à la trêve hivernale. A ce moment-là, il me demande si je veux prolonger. Je lui réponds : “coach, on verra à la fin de la saison”. En mars, il me convoque avec Ludovic Asuar et Fabien Boudarene dans son bureau pour nous dire : “vous ne jouerez plus jusqu’à la fin de la saison car je préfère miser sur les joueurs qui seront encore sous contrat la saison prochaine”. Et au mois de mai, il signe au Mans (rires). Mais à part ça, je l’ai beaucoup aimé. Il était proche de ses joueurs. C’est un très bon entraîneur. Il n’a pas changé.

 

Après une relégation en National avec Niort en 2008, comment les contacts se sont noués avec Evian ?
En 2008, Pascal Dupraz est venu me chercher après un match avec l’UNFP. A la fin de la rencontre, un journaliste me dit : “est-ce que ça t’intéresserait de jouer à Croix de Savoie ?”. Je le regarde et lui réponds : “c’est quoi ce club, c’est où ?”. A l’époque, le club était en National. Au bout de six journées de championnat, il était avant-dernier avec un point. Puis le journaliste enchaîne : “c’est Pascal Dupraz le coach, est-ce qu’il peut t’appeler ?”. Le soir il m’appelle pour me dire : “je recherche un joueur qui a de la bouteille et qui veut se relancer. Par contre, nous, on n’a pas d’argent”. Il m’a proposé 3000 euros par mois. Je lui ai dit : “j’arrive”. On a fini cinquième la première saison. J’ai marqué 6 buts et délivré 13 passes décisives. Il m’avait dit en début de saison : “Tu joueras en 9;5 ou en 10. Tu feras ce que tu voudras quand tu auras le ballon aux pieds”. Il m’a parlé comme j’adore. Je lui ai rendu sur le terrain. Derrière j’ai signé 4 ans : 1 an en National plus 1 an en cas de montée en Ligue 2 plus 2 ans en cas de montée en Ligue 1. Quinze jours après le début de la saison 2009/10; je me blesse aux ligaments croisées du genou droit. A mon retour en janvier 2010, Bernard Casoni avait remplacé Stéphane Paille. Au final on est monté en L2.

 

Comment ça s’est passé pour toi en Ligue 2 avec Evian ?
Lors de mon premier entraînement, Bernard Casoni me dit : “on va te prêter”. J’ai refusé. Je voulais prouver ma valeur. Je faisais tout mon possible pour jouer. Mais au final, je ne jouais jamais. J’ai joué juste un match au Mans avec une victoire 3-1 à la clé. Cela s’est super bien passé sur le terrain pour moi. Je ne le savais pas mais c’était mon dernier match en professionnel. En janvier 2011, je suis prêté à Cannes en National. Puis à la fin de la saison, Evian décroche son ticket pour la Ligue 1. En L1, Bernard Casoni a encore voulu me prêter mais j’ai refusé. Puis il a été remplacé par Pablo Correa. Quand il est arrivé, il a convoqué tous les joueurs individuellement dans son bureau sauf moi, le troisième gardien et Sasa Cilinsek. J’avais beau marquer plein de buts aux entraînements, je ne savais pas pourquoi je ne jouais pas. Finalement, il me convoque à la fin de la saison pour tenter de me prêter. J’ai une nouvelle fois refusé.

 

« J’en veux à Pascal Dupraz. Il m’a brisé en deux. Le pire c’était quand mon fils ainé me demandait : “papa, pourquoi Pascal Dupraz ne te fait pas jouer à Evian ?” Cette phrase, je l’aie encore en travers de la gorge »


Puis Pablo Correa a été démis de ses fonctions en 2012 et remplacé par Pascal Dupraz sur le banc d’Evian…
Les saisons passées, en parlant de Bernard Casoni et Pablo Correa, il me disait : “tu ne crois pas qu’ils pourraient t’essayer un quart d’heure ou vingt minutes en fin de match pour voir ce que tu donnes ?” Quand il a repris les rênes d’Evian, je me suis dit que j’allais peut-être pouvoir rejouer en Ligue 1. Mais en octobre 2012, il me convoque pour me dire de jouer en réserve pour faire mes preuves alors que je venais de marquer 8 buts et de délivrer 15 passes décisives en 15 matchs avec l’équipe B. Là je me suis dit : “il va me mettre une carotte, je ne jouerai jamais”. Pourtant, je donnais tout aux entraînements. Les Cédric Barbosa, Kevin Berigaud, Saber Khalifa, Yannick Sagbo me disaient : “on aimerait bien jouer avec toi en match Hervé parce que tu donnes toujours le bon ballon au bon moment, pourquoi Pascal Dupraz ne te prends pas ?”. Moi je ne savais pas. Même Stéphane Bernard son adjoint me confiait parfois : “j’ai eu des échos, tu vas jouer, il va te donner ta chance”.

Puis arrive ce match face à Brest en janvier 2013
Je me souviendrai toute ma vie de la veille de match. Il neigeait ce jour-là. On était 21 joueurs. Yannick Sagbo et Saber Khalifa jouaient la CAN, Kevin Berigaud était blessé. Il ne restait plus personne devant. A la fin de l’entraînement, Pascal Dupraz dit : “Stéphane va donner les quatre noms des joueurs qui ne sont pas sur la feuille de match”. Là, j’entends mon prénom et le ciel me tombe sur la tête. Pascal Dupraz me regarde et dit : “Hervé viens me voir”. “Ce n’est pas normal que je ne te prenne pas dans le groupe. Je ne te prends pas parce que tu as trop de joie de vivre”, ajoute-t-il. J’étais un homme de vestiaire mais pendant trois ans, je me suis défoncé sur le rectangle vert à l’entraînement pour gagner ma place  sans compter le week-end avec la réserve. Je n’ai jamais cessé de me défoncer. Une semaine après, je me suis reblessé aux ligaments croisés. Quand la tête ne suit plus, le corps lâche. Voilà comment ma carrière s’est terminée. Par ailleurs, lors de la dernière journée de la saison 2012/13, Evian était opposé à Bordeaux. Du coup, j’envoie un message à Pascal Dupraz : “Bonjour coach, est-ce que je peux venir manger avec l’équipe le dimanche midi ? Ensuite, je m’éclipse et je vous laisse préparer le match”. Il m’a répondu : “non, hors de question que tu viennes manger avec nous, si tu veux venir il faut que tu demandes au président”. Je lui en veux. Il m’a brisé en deux. Le pire c’était quand mon fils ainé me demandait : “papa, pourquoi Pascal Dupraz ne te fait pas jouer à Evian ?” Cette phrase, je l’aie encore en travers de la gorge.

 

Enfin souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Au cours de ma carrière, j’aurais dû faire une Marc Planus en restant à Bordeaux. J’avais l’occasion de prolonger avec Bordeaux et j’ai préféré signer à Montpellier. Dans ce milieu-là, il faut savoir être patient.

 

Propos recueillis par Clément Lemaître
Toi aussi tu es fan de Bordeaux ? Découvre cette belle interview de Lilian Laslandes