Sa nomination au PSG, la victoire en Coupe de France 2006, l’affaire Vikash Dhorasoo, son éviction du club de la capitale en janvier 2007, son passage au Stade Rennais, son expérience à l’AS Monaco…Guy Lacombe n’a éludé aucun sujet lors de la troisième partie de son entretien accordé à Foot d’Avant.

Guy Lacombe, pourquoi avez-vous rejoint le PSG pendant la trêve hivernale de la saison 2005/06 ?
J’ai rencontré Pierre Blayau, l’ancien président du PSG, en octobre 2005. En décembre, il me rappelle pour me proposer le projet, mais au fond de moi, je sais que ça va être compliqué. Pourtant sur le papier, ça paraissait alléchant. Mais ce groupe manquait de leaders. Il n’y en avait pas. Même le club s’en était aperçu car il avait fait un audit. C’est vrai qu’individuellement, il y avait des bons joueurs. Mais ils n’étaient pas faits pour jouer à Paris. Il manquait deux ou trois personnalités comme Frédéric Dehu, Gabriel Heinze ou Juan-Pablo Sorin. En 2005/06, il n’y avait plus ces joueurs-là. On peut être bon et ne pas réussir au PSG. A ce moment-là, certains joueurs étaient à Paris mais pas au Paris Saint-Germain.

Il y avait quand même quelques bons joueurs à ce moment-là au PSG…
Oui il y avait des bons joueurs, mais ça ne formait pas un groupe. Il n’y avait pas de leader.s Moi j’ai fait de mon mieux. Je vais vous raconter une anecdote : à la fin février, je rencontre le président pour effectuer un premier bilan et parler de la saison suivante afin de définir l’effectif. On était d’accord pour le changer à plus de 60%. J’avais fait un papier, je l’ai encore d’ailleurs, avec les joueurs à garder et à recruter. Il m’avait dit : « Ok, Canal + va donner l’argent pour pouvoir recruter ». J’étais sur des joueurs de grande qualité : Sébastien Squillaci, Yoann Gourcuff, que j’ai rencontré d’ailleurs. Mais la vente du club quelques semaines plus tard nous a surpris.

A part Sébastien Squillaci et Yoann Gourcuff, quels autres joueurs souhaitiez-vous faire venir au PSG en 2006 ?
On voulait récupérer Gabi (Heinze) et un attaquant.

« Si j’avais eu le Vikash de la finale de la Coupe de France, il aurait joué tous les jours »

Vous dites que vous n’aviez pas de leaders, mais par exemple Pedro Miguel Pauleta…
(Il coupe) Pedro n’était pas un leader mais plus un consensuel. Dans un groupe, c’est quelqu’un d’adorable. Ce n’est pas le style de personne à taper du poing sur la table. Pedro était obnubilé par le but. Un attaquant incroyable. Devant le but, c’était un phénomène. Magnifique. C’était la seule star que nous avions au Paris Saint-Germain. Peut-être que le statut de capitaine était une charge pour lui. Il aurait pu être plus performant en étant libéré de ce rôle. J’en suis convaincu.

En avril 2006, vous avez remporté la finale de la Coupe de France face à l’OM. Quels souvenirs gardez-vous de cette épopée ?
Nous avions vraiment bien préparé ce match. D’abord, la victoire en demi-finale à Nantes (2-1) a été très convaincante. Quand les gars jouaient pour l’équipe et ensemble, ils pouvaient faire des choses vraiment remarquables. Lors de la finale, en deuxième mi-temps, sur un contre magnifique, Vikash surprend tout le monde. Les appels de balle de ses partenaires lui ont permis d’avoir cet angle de tir. Vikash, quand il était dans cet état d’esprit-là, c’était un drôle de joueur. Malheureusement, il était dans cet état d’esprit quelques matchs seulement. C’est là où un leader aurait pu le pousser. C’est dommage.

Justement en septembre 2006, Vikash Dhorasoo a fait part de son mécontentement dans la presse…
C’est une histoire un peu ridicule. Il revient du Mondial 2006, il est très déçu car il n’a pas beaucoup joué. Il avoue au préparateur athlétique et à l’entraîneur adjoint que c’est dur pour lui. On fait tout pour le remettre dans le coup. On le fait jouer avec l’équipe réserve. Puis à un moment, il se blesse et demande à sortir. Le lendemain, l’un des docteurs me dit qu’il pourrait faire le décrassage mais qu’il préfère faire du vélo. Du coup, moi je ne prends pas de risque, j’affiche la liste des joueurs qui doivent venir à l’entraînement et je le mets en réhabilitation le lendemain avec Alain Blachon. C’est là que l’histoire a commencé : il est venu sur le terrain, il voulait s’entraîner. Mais ça dans le foot, c’est un truc qui arrive tous les week-ends. Je fais donc en sorte que lui et Jérôme Rothen, qui était dans le même cas à l’époque, s’entraînent avec l’entraîneur adjoint. Sauf qu’entre temps, le président Cayzac a demandé aux joueurs de ne pas parler à la presse. Malheureusement Vikash n’a jamais trop fait ce qu’on lui demandait (rires). Le samedi en première page, il y a les états d’âme de Vikash. C’est là où le président décide de le licencier. Le staff technique et le groupe l’auraient soutenu s’il avait montré les mêmes velléités que la saison précédente. On peut dire ce qu’on veut dans cette affaire, mais moi j’en ai pris plein la tête car Vikash est dans le monde parisien qui est très reconnu (rires). Moi, je n’en avais pas après qui que ce soit, je voulais juste des joueurs performants. C’est normal pour un entraîneur. A ce moment-là, Vikash ne l’était pas. Il n’était plus dans le coup. D’ailleurs ensuite, il n’a plus joué un match. Vous savez si j’avais eu le Vikash de la finale de la Coupe de France, il aurait joué tous les jours.


« Mon passage au PSG n’a pas été un échec car mon successeur n’a pas fait mieux que moi. J’ai fait ce que j’ai pu avec l’effectif que j’avais. Quand je suis licencié en janvier 2007, l’équipe est dix-septième. Elle finit quinzième à la fin de la saison. L’année d’après, elle termine seizième, ce n’est pas un hasard »

Le PSG a connu une spirale négative à la fin de l’année 2006. Comment l’avez-vous vécue ?
Dès le mois d’octobre, le président et les actionnaires voulaient prendre Paul Le Guen. Ça, je ne le savais pas sur le moment. La veille de mon licenciement, j’avais encore envie de foncer. Je n’y pensais même pas d’ailleurs. J’ai toujours été surpris qu’on me vire car je donnais beaucoup de ma personne, j’étais très assidu au travail. Après il faut préciser qu’au moment de son arrivée, Colony Capital avait une somme à investir. C’est le président Cayzac qui décidait la répartition de cette somme qui était donnée sur dix ans. Monsieur Blayau lui avait d’ailleurs dit : « si j’étais toi, j’investirais très vite parce que c’est prévu et car l’équipe en a besoin ». Monsieur Cayzac n’a pas rebondi là-dessus car il voulait se baser sur l’équipe qui avait remporté la Coupe de France. Sébastien Bazin était aussi persuadé que ça allait marcher comme du feu de Dieu en mettant Paul Le Guen. D’ailleurs, tant que le PSG n’a pas modifié à plus de 60% son effectif (ndlr : à l’été 2008), il a joué le maintien deux saisons consécutives. Le groupe n’était pas cohérent et complémentaire, l’entraîneur n’est pas non plus un magicien.

Comment avez-vous vécu avec la pression au PSG ?
Au fil du temps, on a bien vu que j’avais raison notamment par rapport au renouvellement de l’équipe. Pour moi, ce n’était pas un échec car mon successeur n’a pas fait mieux que moi. J’ai fait ce que j’ai pu avec l’effectif que j’avais. Quand je suis licencié en janvier 2007, l’équipe est dix-septième. Elle finit quinzième à la fin de la saison. L’année d’après, elle termine seizième, ce n’est pas un hasard. Je n’ai pas le sentiment d’avoir fait des fautes. Après, j’ai mal vécu cette injustice par rapport à l’affaire Vikash Dhorasoo. Moi, je voulais juste un joueur performant.

En décembre 2007, vous avez rebondi à Rennes. Quels sont vos meilleurs souvenirs avec le Stade Rennais ?
L’équipe venait de concéder huit défaites consécutives et un nul. Il y avait de bons joueurs. Mais vous savez, les bons joueurs, ils doutent plus que les joueurs moyens. Donc c’est plus difficile de les remettre dans le coup. Mi-février, Rennes est dix-septième avec le PSG et Lens. Là, c’était chaud. Pourtant, on avait gagné à Marseille (3-1) avec un bon Sylvain Wiltord. En janvier, certains joueurs clés étaient partis à la CAN. Il n’y avait pas la concurrence que je voulais. Quand les Stéphane Mbia et John Mensah sont revenus, ça nous a fait beaucoup de bien. John Mensah, je l’ai d’ailleurs nommé capitaine même s’il ne parlait pas très bien français. Il m’avait dit : « coach, pas possible », je lui avais répondu : « si, si, possible. Tu regardes tout le monde avec ton regard et ils comprendront que tu veux gagner ». C’était ça un leader. Du 15 février à la fin de saison, on a effectué une série d’une équipe qui se battait pour se qualifier en Ligue des Champions. On a fini sixième en prenant 28 points en 13 matchs. Avec les joueurs, j’ai vécu une belle aventure. Avec les dirigeants, c’était un peu plus compliqué. Je crois que c’est Monsieur Pinault père qui a souhaité que je prenne l’équipe. Ce n’était pas vraiment le choix des autres dirigeants de l’époque. Ce n’est pas facile quand un directeur sportif est aussi nommé entraîneur et qu’on le remet quelques mois plus tard directeur sportif. Au niveau de l’objectivité, c’est compliqué. Je me suis bien entendu avec Pierre Dreossi. Mais on aurait pu s’entendre bien mieux si le président (ndlr : Frédéric de Saint-Sernin) avait mieux géré cette situation.

« La finale de la Coupe de France 2009 ? Je pense qu’au club (ndlr : le Stade Rennais), tout le monde n’était pas focalisé sur cette victoire. Je ne vais pas vous dire qui, mais certaines personnes ne voulaient pas qu’on gagne la Coupe de France… A la fin du match, j’ai dit aux joueurs que ce n’était pas de leur faute. On aurait dû être un club plus uni avant cet événement »

Comment analysez-vous, dix ans après, la défaite de Rennes, face à Guingamp, en finale de la Coupe de France ?
A la mi-saison, Rennes est troisième. A ce moment-là, les dirigeants souhaitent que je prolonge. Sauf qu’ils m’avaient promis, au départ, une prolongation en juin 2008 si ça se passait bien et qu’au final ça n’a pas été le cas. Une défiance s’est installée. Quand Rennes gagnait, ce n’était jamais suffisant. D’ailleurs, j’ai encore le record du plus grand nombre de points sur une saison avec le Stade Rennais (61 points). Pour revenir à cette finale de la Coupe de France, je pense qu’au club, tout le monde n’était pas focalisé sur cette victoire. Je ne vais pas vous dire qui, mais certaines personnes ne voulaient pas qu’on gagne la Coupe de France. Le deuxième point : j’ai perdu mes deux meilleurs joueurs en mars-avril : Jimmy Briand (blessure) et Kader Mangane (suspension). A l’intersaison, j’avais demandé l’arrivée d’un très grand attaquant pour franchir le palier, mais ç’a été refusé. J’avais l’impression qu’on me mettait des bâtons dans les roues toutes les semaines. Je savais qu’un jour, le virage, je n’allais pas le prendre. En finale, en face de nous, il y avait des joueurs qui avaient gagné plus de titres que chez nous comme Lionel Mathis, Christian Bassila ou Wilson Oruma. Cette finale, pourtant, on mène au score. Après, on prend des buts de minimes. A la fin du match, j’ai dit aux joueurs que ce n’était pas de leur faute. On aurait dû être un club plus uni avant cet événement. Cette finale, c’est un grand regret pour moi.

Quelques semaines plus tard, pourquoi signez-vous à Monaco ?
Marc Keller, ex-directeur général à l’ASM, a sollicité un agent pour qu’il me contacte. J’ai pris mes trois adjoints avec moi pour bien bosser. Pourtant le chantier était très, très délicat. Depuis le départ de Didier Deschamps en 2005, le club n’avait plus la même envergure. Quand j’arrive, on a 41 joueurs sous contrat. Il y avait notamment Nenê qui revenait d’un prêt à l’Espanyol Barcelone. Au départ, au club, personne ne souhaitait le faire revenir. Il y avait aussi d’autres joueurs qui voulaient rester à Monaco parce que l’environnement était plutôt sympa alors qu’ils n’avaient plus du tout le niveau. On devait aussi prendre Steve Savidan. On aurait été encore plus forts avec lui. Néanmoins, on a fait un bon championnat en étant fréquemment dans les cinq premiers. On a fini huitième mais l’aventure en Coupe de France (ndlr : finale perdue face au PSG) nous a coûté des points. Je me souviens d’un repas avec Marc Keller en début de saison. Il m’avait dit : « si on finit huitième et on va en finale de Coupe de France, c’est Champions League pour nous » (rires).

Avant votre éviction en janvier 2011, pensiez-vous que la relégation de Monaco en Ligue 2 était possible ?
Je me souviens que le 31 décembre, j’ai supplié le président de suivre mes conseils notamment en matière de recrutement. Je lui ai dit : « la lutte pour le maintien, c’est quelque chose que j’ai déjà connu au début de ma carrière d’entraîneur, je connais tous les leviers ». Je me souviens avoir été très véhément à ce moment-là. Pour mon cas personnel, le club avait tout prévu depuis octobre. Le vice-président était très lié au futur entraîneur (ndlr : Laurent Banide). Il attendait simplement le résultat qu’il fallait pour justifier ça.

« J’ai travaillé comme un fou et avec une exigence qui m’a parfois été reprochée. Pour moi, entraîneur était un métier d’amour. Il faut donner beaucoup de soi car on a une chance inouïe. Puis c’est tellement éphémère qu’il faut en profiter. Mon travail, c’était du jeu »

La défaite à Chambéry (ex-CFA 2) en 32emes de finale de la Coupe de France a précipité votre départ de Monaco…
Là-bas, on marque quand même trois buts valables. Ce qui me gêne dans l’affaire, c’est pour mes adjoints. Ils en ont aussi souffert. Puis au sein du club de Monaco, descendre en L2, c’est dramatique. Monaco, ç’a été une bonne expérience pendant un an.

Avec le recul, quel bilan tirez-vous de votre carrière d’entraîneur ?
Il y a eu beaucoup de matchs, plus de 500 en pro, sans compter mes années au centre de formation de Cannes, qui était le meilleur à l’époque. Je viens de passer cinq ans à la fédération française de football où j’accompagnais les jeunes entraîneurs qui souhaitaient passer le BEPF. A ce moment-là, je me suis rendu compte de la carrière que j’avais faite. J’ai travaillé comme un fou et avec une exigence qui m’a parfois été reprochée. Pour moi, entraîneur était un métier d’amour. Il faut donner beaucoup de soi car on a une chance inouïe. Puis c’est tellement éphémère qu’il faut en profiter. Mon travail, c’était du jeu.

Propos recueillis par Clément Lemaître

Retrouve la première partie (Cannes-Toulouse-Guingamp) de l’interview de Guy Lacombe

Retrouve la deuxième partie (Sochaux) de l’interview de Guy Lacombe