Damien Grégorini, l’ancien gardien de but de Nice, Marseille et Nancy, est revenu sur sa carrière dans un entretien accordé à Foot d’Avant. Ses débuts au Gym, son transfert à l’OM et ses premiers matches au Vélodrome avec Florian Maurice ou George Weah, sa fin de carrière à l’AS Nancy-Lorraine, où il entraîne désormais les jeunes gardiens, sans oublier ce trajet mythique dans l’avion privé de Bernard Tapie, le natif de Nice n’a éludé aucun sujet.

 

Damien Grégorini que deviens-tu depuis la fin de ta carrière professionnelle en 2014 ?
Après ma carrière, j’ai passé mes diplômes d’entraîneur. Ensuite j’ai intégré le staff de l’équipe professionnelle de Nancy pour m’occuper des gardiens de but pendant quatre ans. Depuis deux ans, j’ai basculé au centre de formation. J’entraîne six gardiens : deux en U17, deux en U19 et deux en réserve. Par ailleurs, je suis adjoint de l’équipe réserve (N3) avec Benoît Pedretti.

 

Tu as grandi à Nice. A quoi rêvais-tu lorsque tu étais plus jeune ?
J’ai intégré l’OGC Nice à six ans, en débutants. Au début, je pensais juste à m’amuser. Puis au fur et à mesure, quand je suis arrivé à 15-16 ans, j’avais envie de percer dans le monde professionnel, surtout que ce n’était pas top sur le plan des études. Je suis très content d’avoir réussi dans le foot.

 

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Est-ce que tu t’imaginais jouer pour Nice, ou dans une autre équipe, quand tu étais enfant ou adolescent ?
Moi, mon idée était d’intégrer l’équipe première de l’OGC Nice. J’ai fait toutes mes classes là-bas. J’étais très attaché à la ville. Avoir percé à Nice c’est une satisfaction. J’en suis très fier.

 

Quand tu allais au Stade du Ray plus jeune, quel gardien de but te faisait rêver ?
Quand j’allais au Stade du Ray, il y avait notamment Gilles Morisseau (1988 à 1993) ou André Amitrano (1982 à 1988). Lorsque je suis monté au sein du club, je me suis entraîné avec Lionel Letizi (1992 à 1996) avec les pros. Il était au début de sa carrière et avait déjà de très belles aptitudes. Après, avec Bruno Valencony on a évolué ensemble (1996 à 2005). Puis il est devenu mon entraîneur une fois sa carrière terminée. Après, c’est vrai que le Ray était un petit mais très beau stade. Il y avait une très belle ambiance. On va dire que c’était assez chaud (rires).

 

Après la descente en D2 en 1997, l’OGC Nice a connu beaucoup de changements dans son équipe dirigeante. Comment as-tu vécu cette instabilité en tant que jeune gardien de l’effectif ?
C’est à cette période que j’ai intégré l’équipe professionnelle. Moi j’étais jeune, je ne faisais pas trop attention à ça. Je prenais ce qu’il y avait à prendre.

 

Tu as joué ton premier match professionnel en août 1998, à l’âge de 19 ans, lors de Nice-Wasquehal (0-2)…
Je ne me rappelle plus trop comment je l’avais appris mais je me souviens qu’il y avait deux gardiens blessés. Bruno Valencony était numéro un à cette période. J’avais été déçu de la défaite mais content d’avoir pu débuter à Nice. J’étais fier. Après, j’ai pu enchaîner et j’ai réussi à faire ma petite place.

 

A l’époque, dans l’équipe de Nice, il y avait notamment Stéphane Roche ou Dominique Aulanier. Qu’est-ce que ces joueurs d’expérience t’ont apporté ?
Dominique, paix à son âme, avait une vraie grinta. C’était notre moteur au milieu. Quant à Stéphane, c’était plus un leader technique. Il y avait aussi Bill Tchato ou Frédéric Tatarian. Lui, c’était le taulier de l’équipe. Je me souviens qu’on était tous à son écoute et notamment les plus jeunes. Quand je suis arrivé dans l’équipe, je ne faisais pas beaucoup de bruit et j’écoutais les plus anciens.

 

« J’ai eu six mois difficiles à mon arrivée à Marseille, il fallait que je me mette à niveau et que je m’accroche »

 

Comment as-tu réussi à gagner ta place en équipe première ?
C’était le choix qu’avait fait Guy David à l’époque. J’ai pu enchaîner les matches même si on n’était pas très bien au classement en D2. Heureusement, on a réussi à se sauver.

 

En 2000, tu pars à l’OM. Quels ont été les premiers contacts avec le club olympien ?
Ça s’est fait par l’intermédiaire de mon agent de l’époque et les deux clubs. Le Gym était en difficulté financière et avait besoin d’argent. J’ai signé lors du mercato hivernal à l’OM qui m’avait prêté jusqu’en fin de saison à Nice. Ça été une période de transition puisque je n’ai plus trop joué au Gym à la fin du championnat 1999-00.

 

Comment as-tu réagi quand tu as su que l’OM te voulait ?
J’ai été flatté, c’est clair. Marseille, ça restait Marseille même si le club ne vivait pas une super période du point de vue des résultats. C’était une belle opportunité. Je changeais de dimension par rapport aux infrastructures et à l’environnement général. Moi je venais de D2, j’arrivais sur une autre planète. J’ai eu six mois difficiles à mon arrivée à Marseille, il fallait que je me mette à niveau et que je m’accroche. Se retrouver avec des joueurs aguerris comme Florian Maurice, Peter Luccin, Bruno N’Gotty, puis George Weah, c’était quelque chose quand même. Si à l’entraînement, tu faisais la moindre petite erreur de placement, ils mettaient le ballon où il fallait. Heureusement, j’avais bien bossé avec l’entraîneur des gardiens de l’époque, Marc Levy.

 

Parmi les ex-joueurs marseillais que tu as cités, lequel t’as le plus impressionné ?
Florian Maurice, c’était très fort et adroit devant le but. Ça m’avait marqué à mon arrivée. Évidemment, il y a aussi George Weah. Lorsqu’il est arrivé, il avait 34 ans. Il était impressionnant sur le terrain et très humble en dehors. Lui aussi était très adroit devant le but. C’était un plaisir de jouer avec lui. Avec eux, il fallait être bien concentré (rires).

 

A l’hiver 2001, Javier Clemente, nommé entraîneur quelques semaines plus tôt, t’annonce que tu seras titulaire à la place de Stéphane Trévisan
On n’avait pas de très bons résultats. L’entraîneur avait hésité avec Cédric Carrasso. Puis il a finalement misé sur moi. J’ai joué mon premier match en Ligue 1, à Lyon, avec l’OM. On avait fait 1-1. En face, il y avait Sonny Anderson ou Marc-Vivien Foé. J’en garde un très bon souvenir. Et pour mon premier match au Vélodrome, c’était contre le PSG. Dès le début de la semaine, tu sais que c’est Paris qui arrive. Finalement, on gagne 1-0 (ndlr : but d’Ibrahima Bakayoko). Au niveau de l’engouement, le match était vraiment particulier. Après j’étais encore jeune (21 ans) et je ne me mettais pas de pression particulière. Je voulais prendre du plaisir.

 

En fin de saison, l’OM se sauve lors de la dernière journée à Troyes. Comment as-tu vécu cette période si difficile pour le club ?
C’est vrai que la fin de saison était tendue. On savait qu’il ne fallait pas perdre sur le dernier match. On fait 1-1 là-bas (ndlr : but de Zoumana Camara pour l’OM). Même si tu t’appelles Marseille, il fallait faire face dans cette situation-là. Heureusement, on avait réussi à se maintenir après une saison difficile.

 

« Là je me retrouve dans le même avion que Gernot Rohr, et il me demande si ça m’intéresse de revenir à Nice »

 

Comment as-tu vécu l’arrivée de Vedran Runje à l’été 2001 ?
Je ne l’ai pas très bien pris. Je pensais mériter un peu mieux, mais c’était comme ça. Ça fait partie du métier. Malheureusement je n’ai joué qu’un match de championnat et une rencontre de Coupe de France en 2001-02.

 

A l’OM, tu as également côtoyé Bernard Tapie qui est revenu aux affaires en 2001 en tant que responsable du secteur sportif…
C’était un sacré personnage. Quand il parlait, tu l’écoutais. J’ai eu une anecdote d’ailleurs avec Bernard Tapie. Un dimanche soir, on joue contre Monaco à domicile. Moi je devais être le même jour chez les Espoirs. Quelqu’un au club m’avait dit : ‘Écoute, tu fais le match, et puis tu monteras à Paris avec Bernard Tapie, dans son avion privé, en compagnie de son adjoint’. Lors de cette rencontre, j’étais remplaçant et je m’échauffais. En deuxième mi-temps, il devait rester vingt ou vingt-cinq minutes, et le bras droit de Bernard Tapie vient me voir au bord de la pelouse : ‘Allez viens Damien, on y va, Bernard veut partir’. ‘Comment ça, le match n’est pas fini’, lui ai-je répondu. Mais lui a insisté : ‘allez, allez, tu prends tes affaires et on y va’. J’ai pris mes affaires et je suis parti avec eux en direction de l’aéroport alors que la rencontre n’était même pas encore terminée. Dans la voiture, Bernard Tapie était énervé car on perdait (0-1). Heureusement, on avait égalisé. Ensuite, j’étais encore en tenue de footballeur dans son avion privé. J’avais juste enlevé mes chaussures mais j’avais encore le maillot, le survêt’ et les protèges tibias. Je m’étais fait tout petit (rires), je n’avais pas dit un mot.

 

La saison suivante, tu reviens à Nice. Peux-tu raconter les coulisses de ton prêt ?
C’était l’été, je rentrais de vacances, et là je me retrouve dans le même avion que Gernot Rohr, qui était directeur sportif de Nice à ce moment-là car il a repris l’équipe quelques jours plus tard. On a discuté et il m’a demandé si ça m’intéressait de revenir. Le Gym venait de remonter et moi j’avais besoin de temps de jeu, donc j’ai dit ok. Les deux clubs sont entrés en contacts et j’ai été prêté à Nice.

 

La montée de Nice avait d’abord été invalidée par la DNCG à l’été 2002, avant d’être acceptée quelques jours avant la reprise de la L1. Aurais-tu accepté de repartir en Ligue 2 ?
Moi je voulais jouer. Le club avait mérité de monter donc je n’avais pas d’appréhension particulière. Heureusement, il y a eu un élan de solidarité à cette époque-là à Nice et il n’y avait aucun souci à se faire.

 

En septembre 2002, Nice, le promu, était en tête de Ligue 1. Comment expliques-tu votre magnifique début de saison ?
C’est vrai que personne ne nous attendait là. Plusieurs joueurs étaient venus en prêt : Pancho’ Abardonado, Kaba Diawara, Pat’ Barul… Je ne me souviens pas de tous les noms mais nous étions cinq ou six joueurs prêtés. Avec les joueurs qui avaient assuré la montée, la mayonnaise avait vite pris. C’était une bonne bande de copains. Il y avait une superbe ambiance. Pour sa part, Gernot Rohr avait toujours les bons mots à l’entraînement et en matches. Tout cela s’est traduit par un magnifique début de saison. D’ailleurs, on s’est qualifié pour la Coupe Intertoto en fin de championnat (ndlr : éliminé au 3e tour par le Werder Brême, puis au second tour en 2004 par Esbjerg).

 

« Le ou les meilleurs joueurs que j’ai connus au Gym ? Il y avait notamment Pablo Rodriguez qui était arrivé en L2 avec une patte gauche assez phénoménale »

 

Entre 2002 et 2007, quels ont été tes meilleurs souvenirs avec le Gym ?
C’est l’ambiance qu’il y avait dans les groupes chaque saison, entre les plus jeunes, les joueurs expérimentés et les étrangers. Le ou les meilleurs joueurs que j’ai connus au Gym ? Il y avait notamment Pablo Rodriguez (1998-2003) qui était arrivé en L2 avec une patte gauche assez phénoménale. Il habitait pas loin de chez moi et on avait bien sympathisé. J’ai aussi été marqué par Everson, un Brésilien qui aimait bien rigoler. Lui aussi avait une bonne patte gauche. Derrière, il y avait José Cobos, avec sa grinta et sa motivation, ou Pancho’ Abardonado, Sammy Traoré, Eric Roy ou Olivier Echouafni au milieu. C’est difficile de tous les citer car il y avait plein de bons joueurs.

 

En 2005-06, Hugo Lloris a fait ses premiers pas à Nice. Comment as-tu vécu son éclosion ?
Je l’ai bien vécue. Il faisait partie du groupe, il venait d’être champion d’Europe avec l’équipe de France U19. Tout se passait bien entre nous. Cette saison-là, je jouais en championnat et Hugo était titularisé en coupes. Nice avait atteint la finale de la Coupe de la Ligue (perdue face à Nancy 2-1). Cinq matches avant cette finale, Frédéric Antonetti avait mis Hugo dans les buts en Ligue 1. J’avais moyennement apprécié mais il fallait respecter les choix du coach.

 

Quelles qualités appréciais-tu chez Hugo Lloris à l’époque ?
Je le trouvais sobre et efficace. Comme il l’a fait ensuite pendant sa carrière : on n’entend pas beaucoup parler de lui en dehors car il s’exprime sur le terrain.

 

En janvier 2007, tu pars à l’AS Nancy-Lorraine…
Après plusieurs années en tant que titulaire, j’avais encore envie de jouer. J’ai eu cette opportunité et ça s’est fait en fin de mercato hivernal. Je venais pallier la blessure de Gennaro Bracigliano. Olivier Sorin était parti à Auxerre en début de saison. J’avais pour mission de finir le championnat et lors de la saison suivante, c’était le meilleur qui jouait.

 

Avec l’ASNL, tu as joué la Coupe d’Europe…
Je me souviens qu’on avait joué contre le Shakhtar Donetsk. On a fait 1-1 à l’aller et ils nous ont battus 1-0 chez nous au retour (ndlr : avec un but de l’actuel joueur de Manchester City, Fernandinho). J’avais participé à ces deux rencontres. J’en garde de bons souvenirs malgré l’élimination. C’était encore plus prestigieux que la Coupe Intertoto que j’avais jouée avec Nice. En Ukraine, c’était une sacrée ambiance. Malheureusement on s’incline à domicile. Brandao jouait à Donetsk à l’époque avec plein d’autres Brésiliens.

 

« Mon meilleur souvenir avec Nancy est quand on se sauve à la dernière journée contre Lens en gagnant 4-0 à domicile »

 

Quels ont été les ingrédients pour que Nancy soit en haut du classement de L1 à cette époque-là ?
C’est un peu comme lorsque Nice est remonté : l’ASNL a retrouvé la L1 en 2005 avant de remporter la Coupe de la Ligue l’année suivante, puis le club a surfé sur les bons résultats en conservant la même ossature de joueurs importants. Je pense notamment à Benjamin Gavanon, Pascal Bérenguer, Gaston Curbelo, Sébastien Puygrenier, Pape Diakhaté, Jonathan Brison. Mickaël Chrétien… Tout le monde est resté et le club a su bien recruter avec Youssouf Hadji ou Issiar Dia. Ces joueurs ont apporté un plus. Tout ce cocktail a permis à l’ASNL d’avoir de très bons résultats.

 

Quels sont tes meilleurs souvenirs sous le maillot de l’ASNL ?
C’est quand on se sauve à la dernière journée contre Lens en gagnant 4-0 à domicile (2011). Cette saison-là, j’attaque le championnat à Bollaert (victoire 2-1) où j’arrête un penalty. Le match d’après je ne joue pas puis Pablo m’a remis quelques rencontres plus tard. Cette saison-là, on était à la lutte avec Monaco pour ne pas descendre.

 

En 2013, la belle période de Nancy s’est interrompue avec la relégation en L2…
C’est le pire souvenir de ma période de joueur à Nancy. On part très mal en championnat mais on effectue une belle remontée sur la deuxième partie de saison. Le dernier match à domicile contre Bastia, on doit absolument gagner mais malheureusement on perd (1-2). C’était triste après tous les efforts qui ont été faits lors de la phase retour. Patrick Gabriel avait repris l’équipe en janvier et il a eu des très bons résultats. Mais au final, il nous manque deux points. C’était un moment dur, oui.

 

Au final, quel regard portes-tu sur ta carrière ?
Je suis très content de ce que j’ai accompli : un peu plus de 300 matches en pro, Ligue 1 et Ligue 2 confondues. Je suis fier de ce que j’ai fait. Je n’avais pas toutes les qualités quand j’étais jeune mais avec beaucoup de travail et de persévérance, j’y suis arrivé. Désormais, j’essaie de transmettre mon expérience aux jeunes gardiens.

 

Propos recueillis par Clément Lemaître